"Ah bon Hitler était antisémite ? J'étais même pas au courant, ma pauvre dame..."

"La plus grande malice du diable est de faire croire qu'il n'existe pas" selon Baudelaire. Dans ce plaidoyer pro domo écrit en captivité, Albert Speer continue de tromper son monde comme à Nuremberg où il échappa à la potence alors que son subalterne finissait la corde au cou...En tant que ministre de l'armement du 3ème Reich, il fut l'un des plus grands esclavagistes du 20ème siècle, fort peu sensible aux conditions de survie et de besogne de la main-d'oeuvre forcée au service du Moloch nazi. Quant à la Shoah, elle est évoquée entre les lignes. L'archétype du technocrate sans foi ni loi qui sert son maître sans états d'âme. Rusé, Speer se donne le beau rôle dans ce témoignage comme si de rien n'était. Ne reculant devant rien, il évoque une guignolesque tentative de gazage du Führer (sic) par un conduit de ventilation du bunker berlinois, mais le bougre aurait malheureusement échoué faute de l'échelle nécessaire...hum hum...Ce chef-d'oeuvre de faussaire fit sa fortune et sa célébrité, un comble. De son propre aveu, Speer s'évertuait à "travailler son charisme", conseil qu'il donna au cinéaste qui tenta en vain de réaliser un film à son sujet. Un cas d'école pour la postérité : comment survivre à l'infamie quand on est un véritable criminel en costume bien taillé ? Ce livre est un addenda volumineux au Prince de Machiavel qui aurait savouré sa "scélératesse", sa redoutable duplicité en dépit de l'évidence du mal.