Au-delà de la rareté : un coup de cœur !

Je conseille vivement ce recueil de textes de Murray Bookchin, visionnaire à bien des égards !

Ayant posé les bases de ce qu'il appelle le municipalisme libertaire, l'auteur expose une vision à l'intersection de l'écologie sociale/éco-communisme et de l'anarcho-communisme, en ne manquant pas de ciritiquer les incohérences et vides de la pensée de Marx (qui constituent des anachronismes selon lui). A ne pas confondre avec le primitivisme, il s'y oppose catégoriquement en développant l'idée d'une technologie libératrice.

Le but reste donc une théorisation de la décroissance, du rejet du superflu dans une société qui a atteint un certain seuil d'abondance qui permettrait à tous de mener une vie ; et non une survie.

Bookchin expose également une vision très moderne du lumpenprolétariat.

Il critique de manière véhémente les relents travaillistes qui imprègnent la gauche marxiste/ouvrière : Il considère que ne pas considérer ceux qui rejettent complètement le travail, la hiérarchie et l'autorité, (les marginaux), c'est une vieille absurdité, car la frange marginalisée de la société aura, elle aussi, son rôle à jouer dans la révolution.

Ici, Murray Bookchin laisse entrevoir, - à l'inverse de Marx pour qui le pouvoir devrait être remit aux mains de la classe ouvrière - une idée de convergence des luttes, très en avance sur son temps. Les choix d'aujourd'hui devront être plus radicaux en matière d'écologie, d'anti-racisme, de féminisme et de liberté sexuelle, alors qu'avant, la pénurie était le principal moteur de la lutte. Selon lui, le monde se complexifie, et appliquer les pensées de Marx ne serait pas approprié à notre époque qui exige des solutions plus adaptées, en particulier en matière d'écologie.

Néanmoins, on peut constater que certains arguments de Bookchin ont un peu pris la poussière, en particulier car ils relèvent du technosolutionnisme. C'est un peu désuet, car on sait qu'aujourd'hui, les panneaux photovoltaïques et les éoliennes restent de grandes sources de pollution et de perturbation des écosystèmes. Les matériaux utilisés polluent énormément l'environnement et sont peu durables, bien qu'il en sorte une énergie propre.

En résolvant ce problème matériel, alors certaines énergies renouvelables pourraient être en effet l'avenir de l'écologie : pour l'instant, ca ne se vérifie pas. Murray Bookchin a aussi des positions ambivalentes quant à la question du nucléaire. Toutes ces solutions mériteraient d'êtres améliorées, car désormais, on sait qu'elles ne sont pas perfectionnées (chose qu'il n'avait pas prévu en écrivant son livre dans les années 60).

Il y a beaucoup de théorisation sur le fait qu'on soit sur-entassés dans des villes et que cela modifie notre rapport à la nature, le tout déroulé dans une perspective anti-capitaliste.

Ce regroupement abusif fait de l'humain un parasite, qui, par ses sur-spécialisations, crée des monopoles et des prises de pouvoir. Ses propositions sont bien amenées dans ce qu'il appelle la "décentralisation des groupes humains" : une première étape pour rétablir l'équité.

Ce livre est une très belle découverte et amène à bon nombre de réflexions intéressantes concernant l'écologie, mais aussi la domination de l'humain sur la nature, malgré quelques angles morts dus à son époque. 9/10