Bon voici comment j’ai vu les choses.
Ecrit comme un mauvais papier de Paris Match (sur près de 900 pages, tout de même), le thriller se déroule comme suit :
1° Un début prometteur, glauque et malsain mais assez prenant (150 premières pages)
2° L’entrée en scène d’une foule de personnages : un professeur, un employé de banque, une collègue de victime… Au bout de 350 pages, ça commence à me gavax. Aucun ne semble digne d’intérêt, ils ne sont que des pions grossiers de l'histoire - quand ils ne sont pas là pour gonfler le volume des pages.
--> Prenons par exemple le cas du Livre Sans Nom : malgré la multitude des personnages, le lecteur arrive à s’attacher à chacun d’eux. Ils ont une force intrinsèque, une vraie psychologie. Ce n’est pas le cas d’Au-delà du Mal. A force de lire une écriture froide et distanciée - un peu à la manière d’un journaliste qui se revendiquerait de l’école de la Grande Objectivité - on finit soi-même par aborder la lecture de manière froide et distanciée.
3° Plusieurs trames s’entremêlent : la 1ère, la plus évidente, est la seule à m’avoir tenu en haleine (« Comment va-t-on retrouver le serial killer Thomas Bishop ? »). Se greffent dessus quelques trames secondaires (« Le sénateur réussira-t-il à rétablir la peine de mort ? », « Les journalistes auront-ils leur scoop ? ») puis de nombreuses sous-trames (« Caryl Chessman était-il coupable ? »). J’aime beaucoup l'idée (= développer tous les tenants et aboutissants de l’affaire Bishop) mais n’est pas Truman Capote qui veut.
4° Arrivent alors les clichés de forme. Le texte est trop mal écrit à mon sens, pour ne pas dire qu'il représente l’anti-fluidité même - ce qui est un peu dommage pour un thriller. Ca se regarde un peu écrire.
--> J’ai noté par exemple ce passage : « Dans six heures il aurait rendez-vous avec la police et les responsables de la sécurité publique de Sacramento. C’était bien ça oui ? 10 août, 11 heures du matin. Plus que six heures. Il avait mis son réveil à 7h30. » (p 292) (= WHO CARES ?)
--> Ou celui-ci : « Néanmoins, n’éprouvant pas à l’égard des coïncidences cette méfiance absolue qui caractérise les policiers, il attribuait celle-là à la simple malchance. Ou à la chance tout court. (p 339) (= celle-là quoi ? la méfiance ? comment de la méfiance peut-elle être attribuée à de la chance ou de la malchance ? JE N’AI PAS COMPRITE §!$?).
Et puis toutes les 40 pages la ritournelle « Il ne faisait aucun doute qu’il tuerait à nouveau ». ON LE SAIT, BON SANG !
4° bis Sans parler des clichés de fond : « AH AH ! Le tueur aurait-il fait de la chirurgie esthétique pour qu’on ne le reconnaisse pas ? » « AH AH ! Les politiques ! Tous des pourris ! » « AH AH ! La police ! Tous des nuls ! ». Mais bon à la rigueur, j’ajoute une petite dose de mauvaise foi là-dessus parce que le texte a été rédigé dans les années 70 et que ces clichés étaient sûrement moins clichés à l’époque.
5° Restent les incohérences. On passe des heures sur des détails nuls (un rayon de soleil sur un visage, blablabla) et SOUDAIN tout s’éclaire dans l’esprit d’un des personnages sans que l’on sache bien pourquoi. Le tueur en série, il hait sa mère ! Sûrement parce qu’elle lui a fait subir des sévices !
Ou bien tout s’éclaire après trois plombes alors que n’importe qui d’autre aurait mis le doigt dessus avant. Je ne parle même pas des fausses-pistes-qui-sont-de-vraies-pistes : « Le vrai tueur, c’est Bishop, pas Mungo ! Bishop il a une cicatrice sur l’omoplate ! AH MERDE les deux ils ont une cicatrice au même endroit en fait » (page 162) et rebelote 400 pages plus tard, ce qui montre qu’on a bien avancé : « Le vrai tueur, c’est Bishop, pas Mungo ! Bishop il n’est pas circoncis ! AH MERDE les deux ils sont circoncis en fait ».
Quant au discours politique, il n’est pas dénué d’intérêt mais il m’a semblé tourner à vide.
6° Les 100 dernières pages sont pas mal : j’ai bien aimé la façon dont l’auteur montre la progression de la folie meurtrière. L’épilogue répond à la dernière question, et même si on peut la trouver frustrante, elle reste un choix de l’auteur.
tl;dr : un thriller very moyen selon mes critères et qui aurait mérité une bonne coupe de 500 pages.