Valentin, graphiste plutôt doué, est un employé un peu spécial. Il travaille par soucis d'indépendance, sa famille plus qu'aisée ne cautionne ni son job, ni son choix de vie, ni sa maladie... comme si, pour cette dernière partie, c'était son choix. Car Valentin souffre d'anxiété sociale, chaque geste, chaque interaction de la vie quotidienne nécessite pour lui une préparation, un entraînement, voire un anxiolytique pour passer les épreuves. Mais Valentin rêve d'une vie normale, sans le harcèlement de sa sœur qui le force à assister à des déjeuners où elle tente de lui présenter de bons partis, sans la pression exercée par son père, pour qui il n'est qu'une déception qui se complait dans sa maladie et qui refuse de faire un effort pour aller mieux, sans l'indifférence de sa mère qui jamais ne fait l'effort d'accepter sa maladie, comme si c'était une maladie honteuse, sans ce grand corps qu'il souhaite plus que tout cacher et faire disparaitre...
Adrien est dans une période difficile. Agent expérimenté du RAID, une opération mal préparée l'a laissé avec une main en moins, un corps couturé, une boiterie et de longues séances de psy pour tenter d'avancer malgré tout. Mais au moins, il est vivant, pas comme ses deux collègues sur la tombe desquels il n'a toujours pas eu le courage d'aller se recueillir, presque un an après le drame. Et pour couronner le tout, Adam, son mari, son premier amour, l'a quitté après plus de quinze ans de vie commune, dès son retour de l'hôpital pour un petit minet au corps et au visage parfaits, le laissant amer et en colère. En attendant de savoir quoi faire de sa vie, il donne un coup de main à sa grand-mère qui vient de se blesser, et tient sa boutique de thé située en plein cœur de Strasbourg.
La première rencontre de Valentin et d'Adrien est plutôt explosive : le premier est venu avec sa sœur récupérer sa commande et celle-ci se montre comme à son habitude, désagréable, hautaine et hystérique. Mais Valentin, troublé par le regard de cet homme qu'il trouve magnifique, fait un travail sur lui-même et va s'excuser du comportement de sa sœur.
Peu à peu, les deux hommes sympathisent, se rapprochent, se tournent autour. Adrien sait comment se comporter avec Valentin, semblant savoir gérer ses crises de panique, son anxiété, et Valentin a tellement envie d'aller mieux pour Adrien, tout en étant tellement persuadé que cet homme magnifique n'est pas pour lui. Et une relation s'installe, en douceur, entre ces deux hommes cabossés et malmenés par la vie, qui semblent trouver dans l'autre ce dont ils ont besoin pour avancer.
Mais alors que Valentin semble trouver une certaine forme d'équilibre dans sa relation avec Adrien, trouvant même le courage de se dresser face à ses parents, c'est l'ancien flic qui chute...
J'ai passé un très joli moment avec ce roman. Déjà, j'aime le fait que ce roman se passe en France, à Strasbourg, ce qui change un peu de tous ces romans français qui se passent aux Etats-Unis. L'écriture est douce, du point de vue de Valentin qui nous dévoile l'étendue de sa détresse et de son quotidien, avec à chaque chapitre un bout du journal tenu par Adrien, sous forme de rééducation. L'auteur nous plonge dans leur quotidien, dans leur tête, sans fausse pudeur, sans masquer les moments difficiles ni les petits moments de bonheur.
J'ai aimé le parti pris de l'auteur qui a su ne pas raconter une romance toute rose où les deux hommes se guérissent d'un claquement de doigt. Ici, nous avons deux hommes au passé lourd, compliqué, l'un par sa maladie, l'autre par son nouvel handicap, le visible dissimulant d'ailleurs l'invisible, et tout n'est pas rose. Il y a des éclaircies, des moments de grâce, mais aussi des chutes, des retours en arrière et des erreurs. J'ai aimé la fin, assez pertinente, qui colle bien avec la personnalité et le handicap des deux hommes.
Bref, un très joli moment avec des thèmes difficiles, deux hommes cabossés mais terriblement attachants, et une découverte que cette jolie plume.
Je remercie l'auteur et Gaëlle de GLP Editions pour ce service presse.