Makepeace Hatefield est le shérif et le dernier habitant de sa ville, une ancienne colonie de peuplement sibérienne que les autorités russes avaient laissée à des migrants américains religieux et pacifiste qui avaient fui leur patrie. Mais depuis, un cataclysme ou une guerre est passé sur le monde, provoquant une chute brutale des températures, le déclin et la disparition massive de la population. Alors que Makepeace tente de se suicider en se jetant dans un lac glacé, un avion s’écrase sur la berge, lui redonnant espoir dans l’existence d’autres humains, voire d’une ville. Makepeace quitte alors son village désertique à la recherche de la civilisation.
Des colons américains en territoire russe, un monde postapocalyptique, une Zone radioactive dans laquelle des prisonniers vont récupérer des objets mystérieux : pas de doute, Au nord du monde est un pur roman de science-fiction. Paru en grand format dans la collection feux croisés de Plon puis en 10/18, il est passé malheureusement inaperçu du milieu SF. Croisant la Route de McCarthy et Stalker des frères Strougatski (la référence est explicite), Marcel Théroux laisse de coté le spectaculaire (on n’apprendra à peu près rien de ce cataclysme qui a fait basculer le monde dans le chaos) pour s’attacher intimement à Makepeace, ce narrateur défiguré dans sa jeunesse et rempli de secrets. Entrecoupé de flashbacks, peuplé de personnages complexes (aucun, même l’ennemi d’enfance de Makepeace, ne semble tout blanc ou tout noir), le récit est parsemé de faux-semblants remettant en cause les choix des différents protagonistes, brouillant les frontières entre le bien et le mal.
Evitant le désespoir total de *La Route*, Au nord du monde est un récit intimiste et ambigu qui accroche le lecteur d’un bout à l’autre grace à la richesse de son personnage principal. Une réussite mineure.