Dès le départ, le lecteur est averti : la dimension onirique de l’oeuvre est clairement annoncée.
Après une brève tentative de définition du sommeil et des rêves par le narrateur, celui-ci nous plonge au coeur de ses rêveries.
C’est la confusion qui frappe le lecteur. Il est aisé de déceler les passages qui se rapportent directement aux rêves par l’indice du soleil, laissé par le narrateur : « Chacun sait que dans les rêves on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent l’impression d’une clarté beaucoup plus vive. »
Cependant, les éléments rationnels qui s’y confondent sont ici pour dérouter ; il convient alors de souligner la floraison de descriptions de ce que le rêveur semble voir, mettant en lumière un jeu d’écriture diurne et nocturne, particulièrement intéressant.
La construction de l’oeuvre semble répondre à son contenu, c’est la binarité, la dualité, qui règnent.
Le livre contient deux parties, macrocosme qui renferme une multitude de phrases au rythme binaire. Et ce, répond d’autant plus au récit qui, lui aussi, est dual : le monde rationnel et éveillé d’une part, le monde irrationnel et endormi d’une autre. Cette assertion est d’autant plus frappante lorsque le narrateur fouille le petit coffret ayant appartenu à Aurélia ; les objets qu’elle a rassemblés de son vivant côtoient le petit bulletin indiquant l’emplacement exact de sa tombe.
La cadence du roman observe quand à elle une division ternaire : plus lente au début, elle ne cesse d’accélérer suivant l’enlisement du narrateur dans sa démence. D’abord conscient qu’il existe une frontière entre le monde onirique et le monde préhensile, la cadence est plus lente.
Quand ces deux mondes tendent à se confondre, que le narrateur se sent comme Napoléon, Dieu Tout-Puissant, un héros, ou même un soldat Armagnac (ce qui lui vaut de se quereller avec un pauvre facteur assimilé à un soldat Bourguignon) celle-ci se fait plus mouvementée.
Enfin, le narrateur, placé en milieu médical, fait la rencontre d’un homme qui semble être son miroir : coincé entre la vie et la mort. Cette vision abolit totalement la vitesse de la cadence, elle retombe, se fait plus calme. C’est aussi à ce moment que le narrateur recouvre la raison et fait de plus doux rêves.
Le style de Nerval, fin et séduisant, nous laisse succomber à ses rêveries ; il endort son lecteur dans la confusion. Le narrateur nous embarque dans ses réflexions existentielles, à en perdre le sens de son existence à travers un large éventail de symboles, de références historiques et religieuses… Attention à ne pas en perdre le fil, ce qui semble parfois difficile.