J'avais déjà rencontré Kim S. Robinson dans deux autres romans, 3212 et Chronique des années noires (voir mes critiques). Comme ces deux autres ouvrages, "Aurora" est un tome bien touffu de plus de 500 pages qui propose, en plus d'une intrigue très originale, un catalogue d’idées plausibles sur de possibles voyages inter-sidéraux. Robinson est un auteur sérieux, peut-être trop d'ailleurs. Le fait est que cette ambitieuse odyssée de l'espace vers Tau Ceti , à bord d'un vaisseau "générationnel", réserve quelques bonnes surprises et éclaire bien le sujet et la difficulté de l'entreprise.
Robinson nous fait d'abord vivre cette aventure en suivant le parcours particulier d'une jeune fille née sur le vaisseau. On découvre avec elle quel pourrait être le ressenti d'un passager qui n'a jamais connu comme horizon que les parois d'un monde artificiel et clos, et dont la vie se déroule dans les différents biomes (jungle, savane, mer, etc...) qui composent un immense manège en rotation. Ce n'est pas sans humour que Robinson décrit cette année sabbatique qu'expérimentent tous les jeunes gens du navire qui partent traverser pendant des mois les différents biomes, rencontrant les habitants, travaillant aux champs, avant de refermer le cercle nécessaire de leur périple ( un diamètre de 54 kilomètres, quand même).
Le récit des aventures de la jeune femme donne un contexte très humain à cette aventure en huis clos où une personne un peu populaire peut m^me apprendre à connaitre (avec le temps) les 2000 membres d'équipage.
En plus de l'aventure humaine ( avec ses aléas, comme les restrictions de naissances, les révolutions, ou les famines mêmes) Robinson nous propose une bonne narration des dangers d'une traversée de plusieurs siècles. On pense notamment au description qu'il fait des mutations génétiques chez les bactéries à bord, de la prolifération de composants chimiques naturels ou non, de la dégradation des capacités cognitives des humains en :milieu confiné etc...). une chose que le roman met en évidence, c'est l'énormité du challenge qui consiste à assurer la survie de plusieurs générations. Rien ne pousse vraiment à envier les pauvres bougres à bord...
Heureusement les personnages que nous suivons arrivent au bout du périple et atterriront sur leur planète cible. je n'en dis pas plus, le roman prenant à partir de là un tour beaucoup moins prévisible et définitivement très original. Disons juste que les meilleurs plans ont souvent tendance à tomber à l'eau et que le plan B est aussi risqué que le plan A. La tournure des événements va continuer à mettre le focus sur les habitants du vaisseau mais aussi sur le rôle prédominant de l'intelligence artificielle à bord et sur la réaction des terriens restés chez eux et leur perception (le livre prend presque une tournure politique ici) de ces curieux voyageurs spatiaux. C'est prenant et on lit à toute allure ces nombreuses pages.
J'ai un souci avec la façon dont Robinson se dédouane presque d'être l'auteur du livre en attribuant la narration à une Intelligence Artificielle à qui on aurait demandé de faire le récit des événements. Ca donne lieu à moultes considérations indigestes sur la bonne tenue grammaticale d'un roman en devenir, une conversation un peu trop "méta"... La fin du roman est intéressante, ironique et rusée, mais semble presque détachée du récit d'origine. Il est vrai que cette dernière partie est racontée, de façon humaine et subjective, en rupture avec le ton assez professoral du livre.
Une bonne lecture , bourrée de spéculations intéressantes sur la faisabilité des voyages entre systèmes solaires, à l'action certes un peu brouillonne, mais qui ne manque pas de souffle épique. Recommandé, guys et guyzettes!