Aurore poursuit l'entreprise d'Humain, trop humain dans la négation de la raison, de la vie ou dans la haine de soi. Nietzsche croit, si la foi lui fait défaut, c'est uniquement à cause de la science et de la raison qui lui ont enlevé son caractère miraculeux, c'est parce qu'elles l'ont démythifiée. Alors que lui est obligé de croire, se forgeant d'une guérison possible l'espoir, il s'enfonce dans l'illusion d'un joyeux futur pour oublier son terrible présent avec ses douleurs, son pessimisme et sa pathétique existence. La critique de la morale traditionnelle n'a de sens chez Nietzsche qu'au regard de la destruction d'une société qu'il déteste car loin de proposer une éthique universelle, fruit d'une raison maitrisée, il enjoint à chaque individu de trouver ses propres valeurs, sa propre morale, participant ainsi à la formation d'un conflit perpétuel entre des conceptions différentes du bien et du mal. Mais la morale nietzschéenne est réelle, c'est ce que l'on devrait appeler la morale laïque. Cette dernière s'inscrit dans le prolongement de la morale traditionnelle, car si elle prétend la critiquer et la dépasser, elle ne fait en réalité que la prendre pour modèle et la déshabiller de son enveloppe religieuse tout en embrassant et épousant ses formes.
Nietzsche, à l'instar des religieux, condamne la raison, ce ne sont pas les sens qui nous trompent, c'est elle. Combien y a-t-il peu de place pour la science dans cet ouvrage. S'il est déterministe, c'est pour deux raisons : d'abord et fondamentalement, à cause de son état de santé, car il est né malade et n'a rien fait pour mériter sa condition, il a la haine de cette vie hasardeuse et de cette raison inutile incapable de surmonter sa douleur ; et d'autre part, à cause de la faiblesse de sa volonté, car la raison sait finalement quel chemin doit suivre Nietzsche pour l'atteinte de son bonheur. Ce qui l'empêche de prendre cette voie, c'est l'immaitrise de sa raison qu'il attribue à son déterminisme.
En outre, Nietzsche représente le croyant moderne, le moraliste des croyances, en oubliant qu'il moralise avant tout son propre être. Juge et coupable, l'autocondamnation de Nietzsche continue l'œuvre chrétienne du pécheur qui s'autoflagelle.