Presque dix ans après son dernier roman et l’annonce officielle de la fin de sa carrière d’écrivain, nous n’attendions plus rien de Francis Berthelot. Ce fut donc une belle surprise lorsque les gens de l’association Dystopia, qui avaient déjà eu l’immense mérite de publier une intégrale en trois volumes du Rêve du Démiurge, l’immense cycle en neuf romans de l‘auteur, annoncèrent qu’un nouveau texte, totalement inédit, allait bientôt paraître chez eux.
Et quel texte ! En partie autobiographique, en partie uchronique, l’écrivain nous raconte les vingt premières années de sa vie. Ses premiers souvenirs, sa famille aimante, sa scolarité exemplaire, sa découverte de l’homosexualité, tout y est raconté avec tendresse et légèreté, d’une plume vivante et agile, dont chaque souvenir ou presque nous donne envie d’être à la place de l’auteur.
Puis tout bascule : contraint de faire des études qu’il n’aime pas, le récit devient une uchronie personnelle : le Francis du récit devient un autre et se métamorphose en un homme que l’on ne connait pas, dont la vie sera certainement très différente de celle de l’auteur de notre monde. Et le lecteur n’a plus qu’à se demander si cette vie rêvée de Francis Berthelot est celle qu’il aurait vraiment voulu, si tout cela n’est qu’une expérience de pensée ou si elle cache un véritable regret, et si des morceaux de cette vie collent à une autre réalité de l’auteur.
Auto-Uchronia ou Fugue en zut mineur est une œuvre résolument originale, une plongée unique dans l’esprit de son auteur, dans la vie qu’il aurait pu avoir. C’est aussi une œuvre joyeuse, sans nostalgie ni amertume, écrite avec grâce, remplie d’émotions, de tendresse, de légèreté et de gravité. Nous ne pouvons avoir qu’un seul regret : que le récit ne soit pas plus long, qu’on ne fasse pas un plus grand chemin avec ce double uchronique. Nous n’avons plus qu’à presser l’auteur pour qu’il nous raconte le reste de cette vie rêvée.