En cent et quelques pages, le génial Edouard Levé (Cf chronique ultérieure ici) dresse un autoportrait en trop plein (plutôt qu'en creux) tout à fait saisissant.
Le livre est fait de courtes phrases qui le décrivent sous toutes les coutures: physiquement et psychologiquement, sur le plan de toutes ses moeurs en vrac, mettant sur le niveau toutes ces réflexions, que ça relève de son gout ou dégoût pour certains aliments jusqu'à sa fascination pour le corps humain, le sexe, le suicide...
Tous ces éléments se catapultent et se chevauchent en une sorte d'inventaire à la Perec aussi joyeux et foutraque qu'il est fort, touchant et pertinent.
Loin de l'autofiction narcissique et impudique en vogue, cet ouvrage comme tous ceux de Levé est à la fois d'une froideur et d'une objectivité glaçante dénuée de tout pathos et d'une drolerie espiegle proche ici d'un autre inventaire célèbre, celui de Prévert.
Quelques exemples des aphorismes du livres glanés au hasard:
"Creuser un trou me fait du bien"
"Rire me désérotise"
"Je suis mal à l'aise pour parler en public d'autres sujets que de moi-même. Je suis intarissable sur mon propre sujet. Comme j'aime écouter les autres me parler d'eux-mêmes, je n'ai aucun scrupule à parler de moi. Je pose de nombreuses questions sur la vie privée de mes interlocuteurs, surtout si je ne les connais pas. je m'efforce d'être un spécialiste de moi-même".
Mission brillamment accomplie sans jamais être - bizarrement - ni nombriliste et vaine, ni emmerdante et lourdingue.
Du grand art !