Je déteste courir à pied, et je ne m'y suis même pas mis à la suite de la lecture de cet "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond" de notre cher Murakami. Et si j'ai parfois eu des velléités de devenir écrivain, j'ai l'impression que les "cours" d'auto-discipline que Murakimi dispense avec sagesse, parcimonie et modestie dans ce livre auraient tendance à me dissuader d'essayer un jour. Alors quoi ? Qu'est-ce qui fait que lire ce Murakami atypique est un enchantement complet, que ces pages pourtant anodines décrivant simplement le "travail", puis la manière dont se vit la course de fond, et l'écho de tout cela dans la vie du coureur, se dévorent à la même vitesse qu'un thriller américain ? S'agit-il de l'évidente beauté du style ? De l'humanité bouleversante de bien des passages qui nous renvoient poliment à nous-mêmes, à notre propre confusion et notre propre détermination ? Peut-être, oui. Ou bien c'est encore autre chose de moins discernable, ce petit grain de "génie" qui permet à Murakami de transcender avec légèreté tout ce qu'il écrit. Après avoir refermé cet "Autoportrait...", ivre de vitesse et parfois ému jusqu'aux larmes, je me suis dit que Murakami est vraiment un type qui pourrait vous passionner en réécrivant le bottin.
[Critique écrite en 2015]