LA CLAQUE !!!
Monumentale, énergique et inattendue.
Littéralement happée, aspirée, entourbillonnée (le lyrisme m'inspire de nouveaux mots parfois) par une narration fluide, simple et parfaitement maîtrisée, je suis incapable d'échapper à une première nuit blanche, suivie d'autres heures fiévreuses quand, du fond de mon lit où je tiens une sacrée grippe, je suis totalement incapable de lâcher prise...
Je dévore, je ris, je pleure, purée, je pleure !?
La boîte de mouchoirs est bien là, posée à côté de moi, et son niveau baisse...
Je re-dévore, je re-ris, je re-pleure, non mais Gwen c'est pas bientôt fini de chialer comme ça ? c'est un BOUQUIN, une fiction, c'est imaginaire, c'est déchirant, c'est réel, purée c'est réel !
Pas la romance, bien sûr, elle, elle est bien inventée et très belle, sensible sans jamais être mièvre. Non, ce qui est réel, c'est la complexité des relations entre les personnages, leurs rapports aux autres, aux leurs, au familier comme à l'inconnu. Malgré la banalité des liens entre les gens, une force se dégage et vous enveloppe, vous séduit.
Lou, 27 ans, qui a oublié de développer ses compétences en se bornant à être serveuse dans un troquet où son cerveau a pu confortablement resté sur "pause" pendant six ans, devient, suite à un licenciement, l'aide-soignante de Will, un ex-Golden-boy londonien devenu paraplégique après un banal accident de la circulation. Sans aucune formation professionnelle ni expérience personnelle du handicap, Lou va être soudain catapultée dans un univers tétanisant (c'est le cas de le dire!) où elle n'aura aucun repère et où elle devra se heurter à ses propres handicaps sociaux : handicap relationnel avec les membres de sa famille, en particulier avec sa soeur cadette Katrina, et handicap affectif avec Patrick, son compagnon dont la passion non-bridée pour le sport tiédit irréversiblement leur vie de couple. Les rapports entre Lou et son patient vont devoir, quant à eux, évoluer et trouver leur voie dans un contexte familial tendu, un environnement médical oppressant et un décor isolé et déprimant, celui de l'Annexe, un logement entièrement adapté à une vie en fauteuil roulant et qui n'est rien d'autre qu'une cage.
De l'incompréhension naîtra l'attention, du mutisme surgira laborieusement le dialogue et le lien social, du drame triomphera le cynisme rationnel d'une existence brisée.
Les questions de société que pose l'oeuvre (la place du handicap dans notre civilisation, l'isolement et la dépendance des invalides, les conflits de générations, les différences sociales, les rapports filiaux, les maux économiques, l'équilibre précaire de la vie de couple...) sont traitées avec une finesse et une sensibilité qui m'ont complètement et définitivement séduite.
Un coup au coeur ; un coup de coeur !