" L'avortement n'existe pas. Il n'a pas de corps dans l'espace public. [...] On ne parle d'avortement que quand il est question de son interdiction ou de sa permission."
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130 centres d'IVG ont fermés ces 15 dernières années. 1 femme sur 3 a recours à l'IVG. Dépénalisé en 1975 en France, l'avortement ne reste pas toujours facile d'accès puisqu'il existe encore une "double clause de confiance" qui participe à stigmatiser l'IVG en acceptant que certain·es médecins refusent de procéder à l'opération. Plus globalement, dans le contexte actuel et parce que j'ai moi-même avorté, qu'on m'a dit que ce n'était qu'une procédure parmi d'autres, que j'avais de la chance d'y accéder (ce qui n'est pas faux mais simpliste), il me tenait à coeur de vous partager ce délicieux remède à l'angoisse journalière vis-à-vis de nos droits, nous personnes à utérus pouvant procréer et ne le souhaitant pas, de façon momentanée ou définitive. Pauline Harmange évoque le douloureux passage de l'avortement qui peut nous faire sombrer dans une solitude exécrable : on a rarement un·e ami·e vivant la même situation que nous.
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Comme ce qui divise nos sociétés aujourd'hui, le bien et le mal, dans un manichéisme tranchant, quelle place pour les maux entre les discours poisseux, entre la supposée joie de vivre de l'IVG et la décadence morale qu'il ne peut encore susciter dans les esprits des conservateur.ices (parmi sans doute, notons l'hypocrisie, certain·es ont forcément du passer par cette étape de leur vie) ?
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Pauline dénonce le sempiternel silence que l'on impose aux femmes, cette loi qui doit être respectée et ce, sans délai contrairement à l'IVG. Avortez, mais souriez. Nous en sommes encore là et las à jamais. Pauline en partageant son parcours, ouvre la voie aux débordements, si précieux et politique. L'intime est à jamais politique. L'ouvrage commence par l'expérience de recevoir un faire-pare de naissance quelques mois après avoir avorté. Elle se demande comment se reconstruire entre le deuil et la certitude d'avoir pris la meilleure décision possible, car la situation de Pauline et de son amour reste précaire. Elle explique son ambivalence lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte : d'abord, elle peut procréer si elle le souhaite et avoir des enfants. Mais de l'autre, c'est inattendu, un torrent d'angoisse à accueillir dans les bras de son compagnon.
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Avoir une contraception ne suppose pas zéro risque de tomber enceint·e. Mieux vaut en avoir deux et la partager. Pas de bol, c'est tombé sur Pauline cette fois. Elle est tombée sur une myriade de témoignages et de propagandes antichoix visant à manipuler les jeunes avant de tomber sur des informations objectives : 72% des avortements sont pratiqués sur des femmes qui utilisaient une contraception. Pauline évoque le manque de représentation culturelle et sociale de l'avortement en donnant quelques ressources : sex éducation, très chouette, Juno... qu'elle critique pour sa dépolitisation alors que l'ouvrage dont il est issu est pro-choix assumé là où le film peut être repris par des personnes malveillantes antichoix. Dans la série Gilmore girl, la série ne parle jamais du mot "avortement" même s'il y en a. Quelques bonnes ressources : Never rarely sometimes always, la série Glow (je vous la recommande aussi), Portrait de la jeune fille en feu et l'événement adapté du livre d'Annie Ernaux que je n'ai ni lu, ni vu pour l'instant. Quleques bds : J'ai avorté et je vais bien merci, Il fallait que je vous le dise et Interruption.
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Pauline dénonce aussi que ce sujet est tabou au point qu'on ressente de la honte à en parler à nos proches dont certain·es ont sans doute déjà vécu la même expérience. Elle partage aussi ses réflexions sur la PMA et le délai pour accéder à l'IVG qui au Canada par exemple n'existe pas. En outre, il y a aussi aux États-Unis par exemple des politiques de dissuasion de 10 000 dollars pour accéder à l'IVG... l'IVG n'est pas une affaire d'argent, encore moins d'une somme aussi maigre et enlève tout libre arbitre aux personnes qui veulent avorter.
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Aussi, j'ai beaucoup aimé qu'elle évoque la durée de l'avortement : combien de temps met-on pour en sortir ? " Les femmes n'ont pas le droit d’être complexes. Nos dimensions multiples n'ont pas le loisir de se déployer, tant l'espace qui nous est octroyé est encore trop étroit."
Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, avorter est aussi une question d'amour.
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Citations :
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Pendant ce temps, mon mec et toutes les personnes dont le sperme est fécond 24h/24 et 7j/7 profitent encore du confort que c'est de ne pas avoir à s'inquiéter de tout ça, de na jamais se sentir responsable de l'échec de la contraception de leur partenaire et de ses conséquences, quand bien même sans eux rien de tout cela ne pourrait arriver. Comment se sentir concerné quand on ne sentira jamais dans sa chair les conséquences de cet échec ?
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Il m'a fallu avorter pour reconstruire un désir de maternité qui m'appartienne entièrement.
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Il aurait fallu tenir ce pénis éloigné de mon vagin pour voir vraiment tout fait pour éviter ça.
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Quand vient le choix à faire, ce n'est pas une femme indépendante aux rênes de sa propre vie qui formule sa décision. C'est une mère en devenir qui n'a pas envie que son premier enfant lui parvienne dans un contexte peu propice.
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C'était le début de guérir ça. Enfouir pour ne pas jeter, savoir qu'un jour on aura envie de se réjouir, savoir à cet instant-là que un jour, ça ira.
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Les vrais adultes, me dis-je souvent, ont des projets et des plans sur cinq ans pour les réaliser. Nous, on s'autorise que des rêves, ponctués d'incertitudes.