J'avais vu beaucoup de critiques vis à vis de ce livre, que j'ai trouvé parfois sexistes (du genre, demander à Chollet, bien que blanche et privilégiée, d'écrire un "VRAI LIVRE" sur la réinvention de l'amour, une bible de l'amour nouveau, bref une nouvel utopie qu'on ne daignerait demander en suggestion aux hommes cis), donc je vais tout de suite mettre à plat le contexte : cet ouvrage n'est pas LE livre qui va remédier aux problématiques et aux rapports de domination hétéros. Il en donne des pistes, qui elles existent, sont sourcées. Il n'y a pas de recettes miracles, même pour les sorcières. Mieux il permet de les interroger seul.e ou à plusieurs en profondeur parce que spoiler alert il n'y a pas UNE SEULE façon d'aimer.
Point faible d'abord : je n'ai pas été séduite par le découpage des parties, en particulier la première partie qui est assez longue avec des éléments qui scientifiquement ne sont pas assurés il me semble, notamment la partie sur les femmes qui auraient manqué de viandes bon... je suis un peu sceptique, surtout pour expliquer qu'elles soient plus petites que les hommes. En revanche, je crois bien qu'il y a des causes multiples avec la sédentarisation qui font que les femmes sont plus frêles aujourd'hui.
Point fort : les références qu'on connait à Mona Chollet, ses réflexions croisées avec son propre vécu, ses lectures. Elle donne un certain nombre de pistes comme Grace Dent qui parle de cohabiter avec son/sa partenaire 4 jours la semaine. Ca peut être 3 ou 2, ou jamais, c'est à vous de choisir ! Elle amène une réflexion sur la place du travail, en particulier le salariat (réduire le temps de travail et augmenter le salaire : on le sait intrinsèquement, mais je trouvais ça bien de le rappeler tant le travail fait partie intégrante de nos existences). Elle critique des oeuvres connues comme des édifices de l'amour romantique : Belle du seigneur, sacrilège. Une autre piste serait une émancipation intérieure, se recentrer et aussi sans doute créer des cercles de discussion entre femmes et minorités de genre pour la consolider selon moi. Autre aspect : il y a toute une partie sur les violences au sein du couple, notamment conjugales. Sortons des "effets aphrodisiaques de l'inégalité" (termes de Cristina Nehring)... qui fait écho au dernier Juliet Drouar.
Un paradoxe de la misogynie trône clairement au sein de l'hétérosexualité : le fait que les hommes expriment leur désir pour des êtres qu'ils n'estiment que très partiellement et vulgairement, au sein d'une société qui les encourage à mépriser et à haïr les femmes. C'est le constat de Jane Ward dans La tragédie de l'hétérosexualité. L'étude de 1980 de Dorothy C. Holland et Margaret A. Eisenhart est très intéressante : elles décrivent comment les femmes échouent plus dans les matières scientifiques car leurs buts ne seraient pas de réussir dans ces domaines mais d'accomplir leur relation amoureuse avec des hommes dans ce domaine. Cela inclut aussi que leur relation amicale et leur camaraderie féminine n'est uniquement que périphérique et sert de groupe de soutien à la recherche d'un fiancé.
C'est bien de rappeler que les femmes doivent se surveiller sans cesse dans ce qu'elles disent et qu'elles ont été éduquées à prendre soin des autres, à tel point que leur propre bien-être est mis de côté, elles sont dans l'autocensure... mais cette autocensure doit exploser à un moment donné. L'idée sexiste que les femmes seraient plus émotives par nature est un gros soucis dans la prise en compte de leur partenaire de leurs émotions, qui les conduit là encore à se soumettre aux diktats du silence. Quand un couple se forme, perdure, la communication s'efface. La femme ne veut pas admettre que l'homme au début soucieux d'exprimer ses émotions ne le faisait que pour la séduire (en s'en rendant compte ou non) tandis que l'homme qui voyait une femme indépendante et séduisante se retrouve avec une personne qui insiste pour avoir encore cette intimité et complicité si facile dans les temps de la séduction. C'est là que l'homme se pense barricadé dans la forteresse qu'il a pourtant forgé et initié pour conquérir celle qui, dans le fond, est plus un trophée qu'une véritable relation d'amour sincère. Voilà où nous en sommes réduit.es dans nos relations amoureuses pour beaucoup.
+1 pour la critique de la littérature érotique, le tabou de la sexualité et du désir des femmes dans un couple hetéro. Messieurs il serait temps de vous acculturer à nos fantasmes. Petit poke à Olympe de G (hâte de lire son livre sur la porno féministe qui campe sur mon lit)
Je pense que ce livre serait un excellent cadeau pour vos ami.es hetéro.as !