De la pure SF
Axiomatique, je ne vous le cache pas, peut paraître assez ardu au lecteur et cela d'entrée de jeu avec la toute première histoire "l'assassin infini" qui poursuit inlassablement des drogués accro à...
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Second recueil d’Egan que je lis, Axiomatique a de quoi laisser pensif — positivement pensif. Toutes les nouvelles exsudent cette réflexion intense qui est au cœur de l’écriture, mais qui pourtant ne phagocyte jamais la narration : Egan vous fera penser, indubitablement, il vous mettra le cerveau en surchauffe, mais avant tout, il vous laissera avec le sentiment d’avoir lu une bonne histoire.
Cela dit, Egan reste un auteur exigeant, car si dans ses romans, ce sont quelques concepts qui sont poussés à fond, ils fusent au contraire très rapidement et varient énormément au fil des dix-huit nouvelles qui composent ce recueil (à noter que la nouvelle « Les Douves » de l’éd. Bélial en a remplacé une autre, intitulée « The Vat » dans l’éd. Gollancz).
Comme beaucoup l’ont déjà fait remarquer, la première nouvelle, « L’Assassin infini », implique des univers parallèles, l’infini et les fractales, choses qui sont pour les pures néophytes possiblement difficiles à imaginer concrètement. Mais les amateurs de ces concepts ne seront pas en reste, car Egan aime jeter son lecteur dans le vertige le plus complet. Si le choix de placer cette nouvelle en première position ne paraît pas judicieux, le fait accompli me fait dire que cela pose Egan en auteur qui se mérite : ceux qui surmontent leur première incompréhension seront largement récompensés de leur persévérance, car si le bagage scientifique est un plus, le style d’Egan saura vous faire profiter du voyage ! à condition de se laisser aller au texte.
De tout le recueil, aucune nouvelle n’est à jeter. Selon votre sensibilité, sans doute, certaines vous resteront moins en tête que d’autres, mais la qualité globale est tout de même très élevée.
Les nouvelles qui m’ont le plus filé le vertige sont « L’Assassin infini » et « Vers les ténèbres » (qui est illustrée en couverture de l’éd. Bélial !), les deux qui partent d’un postulat de physique pure. « Vers les ténèbres » est un véritable bijou d’immersion, où l’on suit un sauveteur volontaire dans une région d’espace « radialement anisotropique », c’est-à-dire où les lois de la physique dépendent de la direction dans laquelle on se déplace (vers l’intérieur ou vers l’extérieur de la zone). S’il est vrai que la littérature permet de s’évader du réel, les nouvelles d’Egan, en extrapolant ainsi la physique théorique jusqu’à nous offrir le récit d’une expérience où la fibre de l’univers elle-même de vient incertaine et dangereuse… les nouvelles d’Egan nous projettent très loin, très vite.
Les autres nouvelles, qui ont pour thèmes la société ou la conscience, sont exceptionnelles de finesse et de réflexion. Grâce à des concepts comme le double numérique, la duplication du cerveau, la manipulation des convictions…, Egan s’attaque à de grandes questions de métaphysique : face au déterminisme physiobiologique, jusqu’où s’étend notre liberté ? ne sommes-nous que la somme de nos souvenirs et de nos convictions ? est-il possible de partager l’expérience existentielle de quelqu’un d’autre ? mais aussi à des problématiques politiques et sociales qui, en dépit de l’ancienneté des textes, demeurent terriblement actuelles : jusqu’où les laboratoires pharmaceutiques oseraient-ils aller ? jusqu’où la société serait-elle prête à aller pour dans le rejet de l’autre, de l’étranger ou du réfugié ? jusqu’où serait-on prêt à aller sous la pression financière des compagnies d’assurance ?
Egan a sans doute médité longuement sur tout ça, mais à nous il ne donne que rarement la réponse. Il préfère ne faire qu’exposer des situations, expliciter les questions. Situations et questions qui, souvent, ne sont qu’à ça de l’angoisse.
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Créée
le 20 juin 2016
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