C'est l'histoire d'un homme qui s'échappe en rêvant du monde dans lequel il vit et pour lequel il éprouve du dégoût. Qui, par le rêve, va traverser les frontières d'univers inconnus et trouver un monde meilleur. C'est assez beau, baigné d'une certaine poésie et pourtant d'une écriture sobre. Donc, ça n'est pas du Lovecraft. Déjà, le style lovecraftien ne relève guère de la sobriété. Et surtout, chez Lovecraft, tout particulièrement dans les mythes de Cthulhu, le monde "réel" est certes peu reluisant, mais se voit le jouet, non pas de rêves doux et parfumés, mais de cauchemars visqueux. Bon, ce n'est pas que toutes les nouvelles de Lovecraft traitent de sujets monstrueux ; il en existe qui sont de nature plus douce, parfois. Tout de même, pour ce que j'en sais, c'est rarissime. Et d'une essence moins optimiste. On note même - et c'est très très bizarre - le terme "tendresse".
Et pourtant, c'est du Lovecraft. D'ailleurs, on reconnaît l'auteur et sa détestation de la société dans le personnage principal. Mais que vient faire cette nouvelle dans les mythes de Cthulhu - puisqu'elle a été identifiée comme telle ? Pourquoi un tel titre ? Je suis assez peu versée dans la connaissance de la cosmogonie fluctuante des mythes de Cthulhu, mais Azathoth est tenu comme l'espèce de chef des Grands Anciens. Et tout le monde sait que les Grands Anciens sont très méchants. Quel rapport, donc, avec notre nouvelle ??? Qui abandonne le personnage sur un "vert rivage aux parfums de lotus et parsemé de camélias rouges ?" Je ne sais si c'est un problème de traduction, mais il est difficile de comprendre si le pronom "ils" fait référence à des créatures plus ou moins célestes (comme les Dieux Très Anciens?) ou aux rêves eux-mêmes, qui seraient ou deviendraient des entités à part entière. Ou est-ce qu'il faut voir le voyage du personnage à travers les rêves comme une navrante et pitoyable échappatoire à un monde sans issue ? Quel rapport peut-on voir entre ces rives verdoyantes et les "jardins opiacés pleins d'orchidées" d'une autre nouvelle, le Festival, jardins qui sont alors donnés comme monde d'origine de créatures monstrueuses - les mêmes que les flasques et détestables créatures d'Innsmouth ? Cette nouvelle pose mille questions. N'étant pas une exégète de Lovecraft, je m'y perds complètement et je m'interroge ; je m'interroge, encore et encore...