Monumental dans tous les sens du terme, en effet cet ouvrage fait 1047 pages dans son édition livre de poche! Bien sûr, quantité ne rime pas toujours avec qualité, mais c’est bien le cas ici. Tous les superlatifs ne suffiraient pas à décrire ce bouquin tant je l’ai adoré. Malgré son épaisseur, je l'ai déjà lu deux fois et m'y remettrai sans doute encore!
Qu’est ce qui a déclenché chez moi un tel enthousiasme? Tant de choses, par où pourrais je commencer? Allez, d’abord l’essentiel, l’histoire. Comme le titre l'indique ce livre est une plongée dans la civilisation des aztèques. C'est le récit de la vie de l'un d’eux, au destin exceptionnel, qui nous est conté dans ces pages. Ce récit est recueilli de sa bouche par les premiers missionnaires chrétiens espagnols envoyés en Amérique Centrale pour le compte du roi d’Espagne. Chaque chapitre est précédé d'une lettre de l'Evêque de Mexico destinée au Roi. Le lecteur est donc placé du point de vue de celui-ci, recevant cette confession au fur et à mesure de l’arrivée des caravelles qui font la liaison entre le nouveau monde et l'ancien. Et quelle confession! La vie de Mixtli, le vieil indien, l’a conduit à travers tout le « Monde Unique » (L’Amérique Centrale) dans des aventures incroyables qui l’ont vu côtoyer les personnages les plus puissants comme les plus humbles. En le suivant c’est tout un monde que nous découvrons avec ses traditions, sa faune et sa flore, ses différents peuples, son histoire, tout cela à travers un récit captivant et bien écrit. La plus grande partie du livre parle de la civilisation des aztèques avant l’arrivée des espagnols et la fin évoque la « conquête » menée par Cortès. Cette période charnière est vraiment traitée magistralement dans cet ouvrage, on a vraiment l'impression d’y être et d’assister à la chute de cette civilisation!
Gary Jennings a vraiment pris les choses au sérieux, mettant à profit son expérience de journaliste pour faire des recherches pendant 10 ans afin de nourrir ce roman grandiose. Mais ce qui est incroyable c’est qu'il arrive à transmettre les informations recueillies tellement naturellement dans la trame du récit que jamais cela ne prend une tournure pédagogique ennuyeuse.
Les romans parlant de l’Egypte ancienne sont monnaie courante (et il y en a sans doute de bons), plus rares sont ceux qui parlent d’autres civilisations. Si je compare cet ouvrage au Dieu Fleuve de Wilbur Smith, que j’avais apprécié il n’y a pas photo, Azteca est beaucoup plus riche à tous les points de vue selon moi. Les personnages sont beaucoup plus fouillés, les descriptions plus évocatrices, l’histoire plus prenante, ... A tel point que le roman de Smith pourrait passer pour un vulgaire brouillon sans substance à côté!
Ce livre est cependant à conseiller aux lecteurs avertis car il est émaillé de nombreuses scènes très très violentes (les sacrifices rituels faisaient partie de cette culture) et d'autres très très érotiques. Cela pourrait choquer certaines personnes même si ces éléments ne sont pas placés gratuitement mais servent vraiment l'histoire selon moi.
Ne vous laissez pas rebuter par cet aspect, ce serait dommage, vous passeriez à côté d'un grand livre à la lecture duquel je suis passé par toute la palette des émotions : le rire, les larmes, la réflexion, le dégoût, la peur,... tout y est passé!
Voici un petit extrait pour vous mettre l’eau à la bouche si ce n’est déjà fait. La scène se passe à Tenochtitlàn, coeur du Monde Unique, où le père de Mixtli l’a emmené. Ce voyage est un cadeau pour ses sept ans, son entrée dans l'âge adulte. Sur un marché ils sont interpellés par un vieillard qui propose de dire l'avenir de l'enfant pour deux grains de cacao. Le père refuse mais l'homme se penche vers l’enfant et dit : « Tout devin peut voir les chemins et les jours. Même s’il prédit une chose qui va vraiment se produire, elle est loin dans l’espace et dans le temps et elle ne profitera ni ne nuira jamais au devin lui-même. Le tonalli [âme, destin] de ce garçon est de regarder de près les choses de ce monde, de les voir comme elles sont et de comprendre ce qu'elles signifient. [.] Tu croiras d’abord que c’est un handicap, mon garçon, mais ta courte vue t’aidera à discerner des vérités que ceux qui voient loin dédaignent. […]
Mon père soupira d’un air résigné et fouilla dans son sac. Non, non dit l'homme. Je n'ai pas prédit à votre fils fortune et gloire, je ne lui ai pas promis la main d'une belle princesse, ni qu’il serait le fondateur de quelque noble lignée. Ce garçon saura voir la vérité, pour ça, oui. Malheureusement, il révélera cette vérité, ce qui fait plus souvent pleuvoir les calomnies que les récompenses. Pour une prédiction aussi ambiguë, mon maître, je ne réclame aucun salaire. - Prenez quand même ça, lui dit mon père, en glissant dans sa main un seul grain de cacao, et ne nous prédisez plus rien d'autre vieillard. »
Au cas où vous auriez encore un doute à ce sujet, je conseille vraiment ce livre à tout le monde (avec l'avertissement mentionné plus haut). Assurément il vaut le coup que l'on s’y arrête, je vous y encourage vivement!
J'ai lu ce livre dans l'édition France Loisirs qui est sans doute épuisée vu sa date de parution, dans celle-ci figurent au début des cartes et à la fin un index des termes en nahuatl (langue vernaculaire) bien utiles, je ne sais pas si ces annexes figurent dans la version du livre de poche (mais je suppose qu'elles y sont ce serait trop bête de les avoir enlevées). Normalement la première édition en français était chez Hachette mais elle doit aussi être épuisée (à moins d'une réédition). La version en livre de poche est normalement encore disponible et on peut se la procurer facilement.