Ni fœtus ni à faire

Il y a quelque chose d'un peu irritant dans le dernier opus de Nancy Huston. Fallait-il en effet, au motif que l'on « connaît les écueils et les illusions du discours sur soi », passer par un truchement aussi ridicule que paradoxal : s'adresser à son fœtus ? D'abord, cela oblige la narratrice à s'interpeller à la deuxième personne du singulier et à s'envisager systématiquement au futur (« Tu auras de sacrées bourrasques à gérer » ; « Tu imiteras la tante Constance dans tes romans ») : c'est lourd, c'est niais, c'est monotone. Ensuite c'est idéologiquement douteux : peut-on à la fois postuler que l'embryon n'est que matière et s'adresser à lui comme à une personne, au point d'imaginer que chaque respiration ou saute d'humeur de la mère a des conséquences sur son développement ? Enfin, et c'est finalement ce que j'ai trouvé de plus affligeant, les moindres traits de caractère sont expliqués en fonction de la vie fœtale ou de la prime enfance. L'auteure change d'univers à chaque roman : c'est parce qu'elle a beaucoup déménagé étant petite. Sa mère disait des gros mots : la fille écrira un livre sur les jurons. Elle a un immense désir de séduire, c'est parce qu'elle n'a pas été désirée par le ventre maternel... Quant aux considérations éculées sur la condition féminine (les talons, le corps violable -donc vulnérable-, l'être-coupable)... Bref, il n'y a guère que le personnage de doux dingue du père qui sauve le livre de Nancy Huston de l'échec de cette pâlichonne « échobiographie »