ATTENTION SPOILER
Trois, Cinq et Six, sont issues d'une famille pauvre que la nature a contrainte au déshonneur pour ne pas avoir donné naissance à un petit garçon. Pour survivre parmi les provinces chinoises les plus démunies et faire tenir le socle familial il faut en effet enfanter des "poutres" et non pas des "baguettes". C'est ainsi que tour à tour chacune des filles décide de quitter le village natal pour tenter sa chance dans la ville de Nankin. Seulement, voilà : les rouages du monde citadin sont complexes et les codes de ses habitants inconnus des trois jeunes sœurs. Avec persévérance et courage les protagonistes parviennent peu à peu à se frayer une place au sein de la "modernité".
Avec beaucoup d'humour et une écriture légère, l'auteure aborde ici des thèmes pourtant graves que sont la condition de la femme en milieu rural, les graves disparités de développement ou encore l'occidentalisation (voire la schizophrénie) croissante de l'Empire du milieu. Aussi, le lecteur aura liberté et plaisir de se pencher sur la question de la relativité des usages et des normes, de l'ouverture à l'autre ou encore sur l'aspiration toujours plus forte des communautés à la démocratie.
Mais le récit de Xinran n'est pas vraiment un conte de fée et c'est très justement ce que vient nous préciser l'épilogue. Après quelques années à Nankin et éprise d'un homme dont les sentiments ne sont pas partagés, Trois retourne à la campagne. Elle se marie alors avec un villageois choisi par ses parents et perpétue ainsi de longs siècles de tradition. Cinq, quant à elle, disparaît et on a du mal à croire aux justifications données par les autorités prétendant à son envoi au sein d'un centre de formation supérieur technique ...
Entre documentaire et fiction, "Baguettes chinoises" est une histoire à la fois touchante et drôle qui aura donc l'avantage de prêter à réflexion sans sombrer dans une dramatisation de facilité.