Noboru Yasumoto, un jeune médecin, prend un poste dans un dispensaire, sans grande conviction ni motivation. Son rêve de grandeur, la réalité de la pauvreté et le peu de gain espéré à ce travail le verra plutôt enclin à s’autoflageller, qu’à s’occuper de ses tâches. Sa jeunesse hautaine et son aveuglement se retrouveront par l'enchevêtrement de plusieurs histoires et personnages, qui l’aideront à son évolution.
Ce sera aussi, évidemment, la rencontre et la compréhension des motivations du médecin-chef, Kyojo Niide - Barberousse - qui lui permettra de devenir adulte et de saisir l’importance de l’autre. Kyojo Niide un peu rustre, se révélera un homme d’un profond humanisme qui sauvera Noboru de sa propre condescendance. Un Barberousse subissant de multiples freins à sa vocation mais un Barberousse, pugnace.
Yamamoto Shûgoro (Satomu Shimizu) nous livre une réflexion sur le japon du XIXème siècle, dans le quartier d’Edo (Tokyo). L’auteur pose sa réflexion par le biais de chapitres, en nous racontant la vie et l’histoire de chaque patient que les médecins côtoient régulièrement. Soumis à un shogunat qui détient la charge politique et administrative, plus préoccupé de conserver sa richesse et son maintien au pouvoir, que d’aider les populations démunies et exploitées. Les situations miséreuses sont particulièrement bien traitées et imagées et surtout d’une grande modernité.
La fracture entre la richesse et la pauvreté, l’arrêt des subventions, l’augmentation des taxes pour les plus pauvres, les mariages arrangés, la prostitution d’enfants...mais également les élans de solidarité, sont racontées avec légèreté pour notre propre réflexion. Reste une morale enfantine, l’homme peut être mauvais... ou pas, quel que soit son statut social...
"Il n'y a rien de plus précieux, de plus beau, de plus pur qu'un être humain. En même temps, rien n'est plus abject, plus infâme, plus stupide, plus pervers, plus avide et plus cruel."
Yamamoto Shûgoro est considéré comme un auteur populaire et a commencé l'écriture à destination de la jeunesse. Sans effet de style, les histoires sont d’une parfaite lisibilité, et malgré l’aspect dramatique, ce sont souvent des saynètes sans grande conséquence dans leurs "chutes".
Le film de Kurosawa semblerait faire de Barberousse (Toshiro Mufune) une sorte de médecin guerrier, inébranlable voire bagarreur, ce qui diffère du personnage du livre. Hormis un exemple frappant du caractère de l’homme qui ne s’en laisse pas compter, Barberousse est un homme simple, préoccupé tant par le monde dans lequel il vit que par la réflexion sur la médecine et de sa véritable efficacité. L’homme seul peut changer les choses. En ressort l’impact de la pauvreté et de l’ignorance comme seuls fléauts et causes des diverses pathologies.
L’aspect troublé voire mystérieux de son passé évoqué ne sera pourtant pas éclairci, axant son récit sur le personnage et l’évolution de Noboru. De même les pensionnaires du dispensaire sont oubliés au fil des chapitres se concentrant sur les visites à domicile et d’intrigues visant à la réflexion d’un monde qui se perd par son égoïsme. A travers ses malades c’est l’injustice sociale qui prévaut et même si l’auteur reste finalement en surface, il arrive parfaitement à lier les chapitres et les destinées, permettant une belle fluidité de narration dotée d'un bel optimisme.