Cette enquête fantaisiste se fonde sur l’interrogation suivante : pourquoi certains écrivains cessent-ils à un moment d’écrire ? Pourquoi écrit-on plutôt que rien ? pourrait-on pasticher.


Pour mener l'enquête, le narrateur déploie un journal-catalogue d’anecdotes et d’extraits littéraires sur cette nébuleuse d’écrivains sans liens entre eux, si ce n'est leur modernité ; catalogue auquel s’ajoute une mise en abyme, le narrateur étant supposé aussi faire œuvre d’une non-œuvre en nous proposant ses notes de travail sur les écrivains dits du « refus ».


Tant pour le côté critique que le côté fiction j’ai été assez déçu.


Du point de vue critique, bien sûr, la question « pourquoi n’écrivez-vous plus ? » est encore moins intéressante que l’enquête parue dans la « Révolution Surréaliste » : « pourquoi écrivez-vous ? » (question métalittéraire passée dans les mœurs journalistiques). Le constat final est par ailleurs le même : mystère et silence. Nihi novi... comme disait Qohélet.


Les raisons si variées que convoque le narrateur peinent à faire sens, unité, comme peut le faire un recueil fragmentaire, ou une suite d’aphorismes : refus, négation, silence, renoncement ; assentiment, prolixité, tout cela n’est évidemment pas travaillé (certes ce n’est pas un ouvrage critique, me dira-t-on) mais pas non plus mis en scène.


Pour le coup Bartleby est bien un syndrome si on accepte la définition du Vulgaris Médical : « syndrome : ensemble de symptômes (signes) sans cause spécifique, que le malade est susceptible d'avoir en même temps lors de certaines maladies. » Ce vague au niveau conceptuel m’a gêné, tandis que je suis passé à côté de la fantaisie supposée de l’anecdote littéraire à la Umberto Eco. Un manque de profondeur, peu de découvertes (toujours Rimbaud, Sallinger, Gracq, les lettres de Lord Chandos...) et même des contresens m'ont gâché la lecture. Ainsi à citer Pessoa en oubliant le fragment 14 du Livre de l’intranquillité :



« Savoir que sera mauvaise l’œuvre que nous ne réaliserons jamais. Plus mauvaise encore, malgré tout, serait celle que nous ne réaliserions jamais. Celle que nous réalisons a au moins le mérite d’exister. Elle ne vaut pas grand-chose, mais elle existe, comme la plante rabougrie du seul et unique pot de fleurs de ma voisine infirme. »



Certes, ce livre a a le mérite de pouvoir un pied de nez à des analystes comme Todorov et sa compagne, mais tout de même : c'est bien un livre raté, donc une réussite ?

Athanase-D
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le 28 mars 2013

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