Ce "véritable roman nègre" n'est pas un conte pour enfants ; néanmoins même les enfants peuvent y trouver leur compte (et puis ça les mûrira un peu de lire la description d'une saine orgie cathartique).
Batouala, donc, comme "Madame Bâ" le fera bien plus tard, décrypte la psychologie de l'homme noir depuis un village reculé d'Afrique (voilà qui rappelera des souvenirs aux admirateurs du "joyeux coopérateur" Antoine, qui "chantait le mortel ennui - des bords de l'Oubangui-Chari") ; Batouala, lui ne s'ennuie pas, et nous non plus.
Sous la plume de René Maran, qui a obtenu le Goncourt en plus de son siège de député, on assiste au lever, à la pipe matinale (en terre), au repas et aux ébats du chef de village. Ses préoccupation, bien loin de celles des administrateurs coloniaux, consistent à honorer sa femme sans froisser ses rivales, et vice et versa. Il fait preuve d'un bon sens désarmant dans l'organisation de ses priorités ; fier chasseur et cultivateur doué, il a gagné l'estime de tous. Tous sauf un, qui se verrait bien conter fleurette à l'épouse du patriarche. De torpeur en turpitudes, au rythme sensuel du climat équatorial, on voit se profiler la fin du vieux chef, et surtout celle de tout un pays - la République ce Centrafrique est déjà en gestation, mais c'est là une autre histoire.
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