Grand pied, à lire ce roman de voyageur de la fin du Moyen-Âge. Hic sunt leones, disent les cartes approximatives. On s'attend à croiser un sciapode, si du moins on parient à atteindre les rives du Royaume du Prêtre Jean. Ca pullule de fausses icônes, de croisades politiques, des rivalités de Rome et de l'Empire, de toute l'effervescence d'un siècle prompt à trouver dans le réel les ferments de son imaginaire.
Picaresque avant l'heure - car le roman picaresque d'Eco, c'est "L'ile du jour d'avant", comme tous les romans historiques de l'auteur, on en ressort en ayant le goût d'une époque, passé au filtre d'un personnage qui en incarne le meilleur du rationalisme.
Se laisser porter par des rebondissements qui sont ceux de l'histoire et de mèmes permet seulement de goûter cette fresque, où l'on côtoie Barberousse et son improbable compagnon. Ce n'est pas stricto sensu un roman historique - pas assez de romance et trop d'érudition - plutôt un mélange sans nom clairement assignable d'aventures hautes en couleur, d'histoire des mœurs et des idées et de portrait d'une époque en forme de récit épousant les contours mêmes de cette époque : un commentaire de ce que fut ce siècle.
Pour ma part, je trouve cela brillant. Mais il est probable qu'il faille y entrer armé d'une certain bagage, faute de pleinement goûter le talent d'Eco à inventer des histoires en les truffant de façon souvent discrète de concepts jusqu'à la trame.