Septième ciel! Tout le monde descend...
L'inclassable Chuck Palahniuk continue son excellente entreprise de destruction méticuleuse des "valeurs" occidentales. Comme toujours, la pilule est tellement grosse qu'elle passera difficilement par les gosiers les plus tendres (traduisez: les plus coincés) mais le résultat est toujours aussi passionnant, dérangeant, pertinent, curieux, original, visionnaire.. bref, hors-normes, pour ne pas dire infilmable. (Oui, depuis que Hollywood a changé la fin de "Fight Club", Palahniuk écrit exprès des trucs impossibles à montrer au cinéma; il y a bien eu "Choke", mais c'était loin du bouquin; vous imaginez "Snuff" à l'écran? Un film entièrement en plans italiens... Du Fellini, pour sûr).
Ici aussi, donc, difficile de raconter l'histoire de "Beautiful You" sans déflorer l'intrigue. Essayons plutôt l'exercice de la Recette: Mélangez "Crash" de JG Ballard au "Déclic" de Manara, incorporez doucement le personnage d'Ozymandias des "Watchmen" de Moore et Gibbons, ajoutez quelques chapitres de "La fonction de l'orgasme" de W. Reich, versez une rasade de "Ally McBeal", trois pincées de quête à la "Castaneda, Jodorowsky et Ken Russell font du tantrisme", troussez la dinde de "Pretty Woman" pour en mettre des morceaux bien lardés ça et là, puis laissez mijoter pendant 136 jours. Enfin, chaque jour, saupoudrez d'un ou deux "monologues du Vagin". Consommez quand c'est chaud, très chaud. Ai-je mentionné les épices? Ha! N'y pensez même pas.
En deux mots, "Beautiful You", c'est l'histoire de la conquête de toutes les femmes de la Terre par un seul homme, Corny Maxwell, milliardaire déjanté et adepte du tantrisme; face à lui, une femme décide de le combattre, Penny Harrigan, jeune avocate débutante. Mais elle commet l'erreur de vouloir le faire avec les armes de son adversaire. Question délicate: comment établit-on une stratégie quand on se retrouve avec un clitoris à la place du cerveau?
Nul doute qu'un paquet de dents et de dentiers vont grincer à la lecture de ce roman déglingué. Chuck ne fait pas dans la dentelle et ne recule devant aucune atteinte au bon goût. L'expression "baigner dans le stupre" rend à peine compte de l'ambiance qui règne dans l'univers de "Beautiful You". Nul doute aussi que bon nombre de lecteurs (trices?) estimeront qu'il s'agit là d'une épouvantable apologie du machisme. La réalité est évidemment inverse, mais il faudra lire jusqu'au bout pour s'en apercevoir.
Et garder la tête froide...