La grande qualité d'Anouilh, à mes yeux, est de pouvoir offrir à des histoires, pardon, à l'Histoire, un second degré de lecture résolument contemporain et souvent très intéressant. Becket n'échappe pas à la règle, dévoilant sous couvert de la relation d'amitié entre Henry II et Thomas Becket une histoire d'amour à peine cachée, homosexualité non-refoulée au temps des malveillants barons et autres conspirateurs moyenâgeux.
Anouilh interroge l'Histoire mais s'attaque aussi à l'amour, à l'amitié, à la ferveur et à l'implication passionnel de chacun dans sa vie. Ce n'est pas une pièce sur la religion, non, mais plutôt le portrait d'un homme qui a une Foi et va jusqu'au bout de celle-ci. De là à dire que le spectre de la guerre hante l'oeuvre, il y a un pas que je ne souhaite toutefois pas franchir, tant Becket sait faire preuve d'autre chose que de réminiscences historiques.
Becket, c'est avant tout un couple sur plusieurs années, des indications qui laissent envisager une mise en scène intelligente et un récit profondément humain, intemporel, dense et tragique. Il y a quelque chose de shakespearien dans l'oeuvre d'Anouilh, et c'est de loin le plus beau compliment que je puisse faire à un dramaturge.