Ne lisez point trop autour de ce livre remarquable, courez l'acheter ou si vous l'avez déjà, ne traînez pas, lisez-le. 110 pages, ça va vite et c'est un long monologue du jeune homme qui attend un procès. Il parle à son avocat commis d'office et au psychiatre détaché par le tribunal. On ne sait pas trop au début les raisons de son enfermement, il les explique à ses deux visiteurs.
Jeune homme en Tunisie post-révolution, il vit avec un père universitaire, fainéant, qui ne s'intéresse qu'à sa voiture et frappe sa femme et ses enfants. L'archétype de l'homme autoritaire tel que la société tunisienne en produit, qui doit se faire servir et respecter dans sa maison. Il livre ses réflexions, son amour de la lecture qui l'a sauvé, lui permet de vivre malgré la violence : "Des gens qui savent lire au pays, il y en a à la pelle, mais que lisent-ils, dites-moi ? Que dalle, pour l'écrasante majorité. Elle est fâchée avec les livres, il faut se l'avouer. Vous connaissez ce proverbe ? La parole de nos ancêtres ? Elli kraw métou : ceux qui ont lu sont morts eux-aussi. Oh, mes aïeux ! Lire ne donne pas de pouvoir, lire ne sauve pas ? Cela ne fait aucune différence, on finit toujours les deux pieds devant ? Ok, lire ne rend pas immortel, je vous l'accorde, mais ça rend moins con, et ça, c'est déjà beaucoup." (p.20)
Puis sa réflexion s'étend à la société tunisienne, qui, malgré la révolution, ne satisfait ni ne permet aux Tunisiens de s'épanouir : "On a quand même gagné la démocratie ? La belle affaire ! Avant, on avait la peste, maintenant, on a le choix entre la peste et le choléra. Avant, on avait les quarante voleurs, maintenant on en a quarante mille." (p.69). Lucide et amer, il sait qu'il n'a rien à espérer de son pays ni des autres, sauf de Bella qui le tient debout.
C'est un court roman, fort, direct, comme si nous étions avec le jeune détenu et qu'il nous exposait ses pensées et son histoire. Très bien écrit, il se lit assez vite, même s'il vaut mieux prendre son temps, pour rester dans l'ambiance et avec le narrateur que l'aon aimerait avoir rencontré dans d'autres circonstances.