C'est la première fois que j'ouvre un roman d'Arnaldur Indridason et j'ai été prévenue sur le fait que Betty est un peu différente de ses autres oeuvres dans lesquelles la plupart du temps le protagoniste est un commissaire. Cependant je ne pense pas avoir commencé par le vilain petit canard.
Le protagoniste a été séduit par Betty, la femme fatale qui obtient ce qu'elle veut, et moi j'ai été séduite par Betty, le roman au mille bonds dans le temps qui malmène le lecteur et lui délivre réponse sur réponse à partir de la moitié du récit. C'est vrai, la narration est parfois répétitive. Mais n'est-ce pas réaliste quand on sait que le "je" narrant est contraint de ressasser son passé sur le lit de la détention provisoire, obligé de rabâcher la même histoire aux flics ? D'ailleurs, l'auteur prend soin, tout le long du roman, de nous cacher des choses, des choses essentielles. Il prend son temps pour nous dévoiler le pourquoi du comment de l'affaire. En fait, on ne sait quel est l'objet de ces interrogatoires policiers qu'après une centaine de pages ! Par moment j'ai pu trouver ça long, mais à chaque fois que j'étais sur le point de me lasser de cette lenteur, de ces mêmes constats que le narrateur aborde de différentes manières, un nouvel élément était apporté au récit et alors je ne pouvais plus lâcher le bouquin. Finalement, on ne s'ennuie jamais.
J'ai été totalement bluffée par la surprise qui m'attendait en plein coeur du roman. Je croyais avoir décelé la finalité, je pensais avoir tout compris, mais il y a eu ce retournement de situation, ce "twist" et alors je me suis décomposée devant la première ligne de ce nouveau chapitre. Je n'avais qu'une envie, relire tout ce que j'avais lu avant, depuis le début, pour tenter d'attraper les indices que j'aurai manqué. Je n'arrivais pas à croire que je me sois faite duper comme ça, aussi facilement, aussi facilement que le narrateur se fait duper. Des brides de paragraphes qui m'avaient interpelée pendant la lecture me sont revenus à l'esprit et rien que pour ça je dois admettre que l'auteur est un génie.
Si j'ai adoré ce livre c'est parce qu'il est inadaptable au cinéma. Aujourd'hui on veut tout mettre sur un écran, on veut faire des mots des images, mais Betty est inadaptable et c'est ce qui fait sa force. Un suspens aussi maitrisé, une intrigue aussi mystérieuse que les personnages qui la compose, et tout ça sur 237 pages, c'est affolant. Ca stimule obligatoirement notre imagination et nos méninges. En parlant des personnages, je crois bien que les femmes y trouvent une place d'honneur, elle sont le centre de débats. La complexité cachée de Betty n'est pas mon seul argument d'appui, il y aussi toutes ces descriptions physiques qui sont faites des femmes et dont la poitrine est un sujet prioritaire. Mais même cette remarque sur les personnages féminins est amenée à changer au fil de la lecture parce que tout est remis en question à partir du moment où l'on détient la clé de l'histoire ! L'amour trouve aussi toute sa place dans ce roman pourtant noir à souhait. C'est le contraste entre ces deux opposés qui m'a rendue si avide de continuer à lire. On s'enfonce dans une relation dont on sait pertinemment qu'elle est tordue, et on s'en délecte. Enfin jusqu'à un certain moment.
Je crois que je ne me suis jamais autant identifiée à ce "je" anonyme dont on ne sait que peu de chose. C'est sûrement parce qu'il est rare de faire parler quelqu'un à la première personne sans en dire un mot.
En tout cas, je risque fort de rouvrir un Indridason un de ces quatre.