Objet littéraire atypique, cette suite de fragments n'en constitue pas pour autant, comme certains disent, un livre radicalement original. Disons que ce sont les "Fragments d'un discours amoureux", avec un Je qui s'assume davantage (bien davantage, même : il y a dans l'obstination à traiter de la "baise" comme une volonté didactique : si, si, les intellos ont un corps aussi !), et des références qui, si elles sont nombreuses (de mémoire : Pascal, Joubert, Gœthe, Sebald, Sei Shonagon, Schopenhauer, Wittgenstein...) comptent moins dans la perspective d'une quelconque théorie qu'elles ne servent, parmi d'autres images, souvenirs..., à la composition de cet autoportrait en bleu. Lequel m'a plutôt touché, car ce "bleu", c'est aussi et bien sûr le "blues" d'une narratrice qu'un amour trahi a confrontée à la dépression. Je dis "plutôt" touché, car la forme, qui fait l'intérêt premier du bouquin, est aussi sa limite. J'aurais aimé, par moment, que ce soit plus simple, non dans le sens où on aurait là une lecture difficile, mais qu'on ait quelque chose de plus direct, moins contourné, plus proche de l'expérience, moins artificiel. Il faut dire que les fragments sont un genre périlleux qui ne tolère pas le temps mort ni le coup de mou. Je me situe entre les plus et les moins, donc. Pour autant, c'est par moment très touchant et juste. À d'autres, un peu plat, un peu vague, avec un vernis intello qui m'évoquerait davantage, en termes de bleu, le fond de la piscine que l'infini de la mer.