Un bon Wilson
Robert Charles Wilson a longtemps fait figure d’étoile montante de la SF, ceux dont on sait qu’ils écriront un jour un pur chef d’oeuvre mais qu’ils semblent repousser sans cesse à la fois prochaine...
le 11 févr. 2013
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Robert Charles Wilson a longtemps fait figure d’étoile montante de la SF, ceux dont on sait qu’ils écriront un jour un pur chef d’oeuvre mais qu’ils semblent repousser sans cesse à la fois prochaine ; des as de la procrastination littéraire en somme. Ainsi, à chaque nouveau roman R.C. Wilson éblouit sans pour autant réussir à satisfaire totalement les attentes des critiques ou du public. Puis Spin vint et l’auteur américain mit tout le monde d’accord, même si Axis et Vortex, censés compléter et clore la trilogie sont nettement en retrait. Reste un auteur au potentiel phénoménal, dont la carrière est émaillée d’excellents ouvrages et dont les moins bons textes volent tout de même largement au-dessus de la production moyenne en matière de SF (et de littérature tout court).
Quelque part du côté de l’Ohio, dans un futur relativement proche, l’Amérique a construit un important centre de recherche destiné à l’observation de l’espace profond : Blind lake. Grâce à la technologie quantique auto-évolutive, les scientifiques ont conçu un nouveau type de télescope, capable d’observer dans le détail des planètes très éloignées, voire de suivre, comme s’il était filmé par une caméra sous plusieurs angles, un sujet. Blind lake n’est pas le premier centre de recherche de ce type, à Crossbank des scientifiques observent depuis de nombreuses années une exoplanète, riche en espèces fascinantes mais dépourvues d’intelligence. Mais à Blind lake, c’est une planète habitée par une espèce très évoluée que les équipes de chercheurs étudient. La polémique fait d’ailleurs rage entre les scientifiques, certains prônent une observation globale de la planète alors que d’autres souhaitent se focaliser sur un individu en particulier et si c’est cette dernière faction qui l’a jusqu’à présent emporté, rien ne dit que cette option ne changera pas. Jusqu’au jour où le centre est subitement isolé du reste du pays, impossible pour les personnels et leurs famille de franchir le dispositif de sécurité qui a été installé autour de Blind lake, toute tentative de franchir les grilles du complexe se solde par une élimination directe et brutale, seul le ravitaillement est assuré par des convois automatisés. Scientifiques, techniciens, administrateurs, agents de sécurité... nul ne connaît les raisons de cette quarantaine qui touche également les télécommunications et chacun s’interroge sur les raisons qui ont poussé les autorités à imposer ce blackout sur le centre de recherche.
Au fil des romans, R.C. Wilson s’est dessiné un univers dans lequel les big dumb objects (ou BDO, littéralement ces “gros objets stupides”) semblent tenir une place importante, voire exercent une fascination quasiment hypnotique. Les chronolithes, Spin et Blind Lake fonctionnent peu ou prou sur le même principe, à savoir l’irruption sur terre de structures extraterrestres étranges et incompréhensibles, dont les finalités ne sont jamais très claires, mais qui vont exercer un rôle considérable sur l’avenir de notre planète. La différence dans le cas présent tient au fait que ces objets apparaîtront assez tardivement cette fois et dans des circonstances moins obscures. Il convient par ailleurs de rappeler que malgré cette fascination pour les BDO Blind Lake n’a rien d’un roman stupide, il s’agit ni plus ni moins que d’un sous-genre de la science-fiction qui fit florès dans les années 70-80 et dont Larry Niven ou Arthur C. Clarke furent les plus illustres représentants. Le terme est d’ailleurs né d’une boutade de l’écrivain britannique Roz Kaveney et n’a d’autre prétention que de faire sourire et de pointer gentiment du doigt les lieux communs et les clichés véhiculés par ce type de roman (le gigantisme à tout prix, le mystère insondable, l’absence d’explication). Mais R.C. Wilson, s’il avance en terrain connu, a d’autres avantages à faire valoir et son roman a des qualités qui bien souvent font défaut à ses prédécesseurs. Tout juste pourrait-on reprocher à l’auteur américain de tourner quelque peu en rond dans ses thématiques et dans ses procédés narratifs, c’est la raison pour laquelle Blind Lake, s’il est incontestablement un bon roman, ne fera pas figure d’oeuvre incontournable, ni dans le paysage de la science-fiction ni dans l’ensemble de l’oeuvre de R.C. Wilson. Il n’empêche que le roman est fort agréable à lire, grâce aux qualités d’écriture de l’auteur et au soin qu’il apporte au profil de chaque personnage. Par ailleurs, le propos de Wilson n’est pas inintéressant, notamment lorsque l’observateur est à son tour observé. Un renversement des points de vue, voire une mise en abîme, qui propose une approche de l’altérité assez inédite et qui permet à Blind Lake se démarquer des romans classiques centrés autour de BDO.
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le 11 févr. 2013
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