Thème séduisant que de comparer deux grandes icônes du monde francophone des années cinquante ! Deux icônes, deux oeuvres aux destins a priori bien distincts - l'unanimité de Tintin l'asexué contre le souffre de la chanson grivoise et libertaire de Brassens...
Commençons par ce que dérange d'emblée : cet essai d’analyse comparée en a les principaux défauts. D’abord un style laborieux, démonstratif, qui alourdit en l'explicitant ce qui reste subtil dans une oeuvre. Ensuite, on sent que l’auteur veut tirer les univers, ici de Tintin et Brassens, l'un vers l'autre parfois un peu artificiellement, pour tenter des rapprochements factices sur des thèmes mineurs.
Cela dit, et alors que tout semble opposer le petit reporter bien gentil - Tintin - et le libertaire anarchiste et moqueur - Brassens - il fait mouche sur des points majeurs : le caractère véritablement universel, dépouillé de référence trop ancrée dans l'actualité des deux oeuvres, est le plus important (oui je sais, les Soviets, le Lotus Bleu...). Cette “universalité” est une ligne en tout cas assez claire (hu hu) pour Tintin, mais la comparaison que fait l'auteur entre Ferrat, qui a beaucoup commenté l'actualité en son temps, et Brassens montre à quel point l'œuvre de ce dernier tient du moraliste, à La Fontaine.
Également, la distanciation vis-à-vis de tout carcan idéologique, de tout système de conviction trop contraignant est très juste. Car nin l’un ni l’autre ne sont des idéologues, et ils vont souvent où on ne les attend pas.
D'autres éléments de comparaison sont moins importants mais sont très bien vus, comme notamment le sujet de la religion. Alors que l'image d'Hergé est généralement celle d'un petit père catholique, et qu'au contraire Brassens est vu comme un irréductible bouffeur de curé athée, on (re)découvre que c'est en fait le poète qui parle sans arrêt de religion, de morale et de spiritualité, quand ces thèmes sont complètement - du moins pour le christianisme -, absents des bulles d'Hergé.
En conclusion, on doit reconnaître quelques rapprochements séduisants dans le sens donné aux œuvres des deux univers, et on note quelques belles trouvailles dans ce livre, mais le style est trop laborieux pour en faire une lecture si agréable que ça.