Ce livre ne date pas de hier, et pourtant, le personnage de la ville de Bruges reste entièrement fondé et crédible. Rodenbach, avec une plume délicate, fait transpirer Bruges de tous ses excès: le deuil impossible d'une morte à ce point aimée que jamais l'auteur ne lui attribuera un nom... elle est la,morte, la mort qu'on ne peut accepter et qui se rend complice d'une vie pliée au nom de celle-ci. Bruges la dévote, la ville aux multiples clochers, couvents, lieux de cultes. Bruges la rumeur, la ville qui observe et juge, séant ou non, le comportement d'un veuf admirable, d'un suppôt du Diable...
l'histoire est triste, grise comme la ville, assombrie de tant de chagrins... L'histoire est telle qu'elle est! Elle ne demande ni jugement à charge, ni jugement à décharge. Elle est factuelle et se suffit à elle-même, loin de la Bruges envahie de touristes de quelques heures, loin d'une ville qui se réduit à son image de carte postale. Et pourtant, on voyage dans ce livre, comme dans la ville. On s'y retrouve, on aime son calme, ses petits coins solitaires, ces ruelles, places, canaux et chapelles solidaires d'une âme humaine que la mort à déshumanisé!