Malgré ses 90 pages, le roman s'installe en douceur, avec un très beau style. Je reconnais bien là le portrait de la ville belge. Une beauté gothique, dont même les coquetteries - canaux, nénuphars, balcons fleuris, peupliers - se diluent dans le gris de l'architecture et du ciel. L'histoire est assez classique, un veuf croit retrouver sa femme chez une passante. Il la suit et entame une relation avec elle. Je ne m'attendais pas à un génie du rebondissement, quelque chose chez Rodendach me faisait présumer la linéarité tragique d'un Balzac (que je n'apprécie pas spécialement) avec un style qui va chercher chez du Huysmans en plus simple. Malgré ce juste pressentiment, la deuxième moitié de Bruges-la-Morte est vraiment prenante. Il y a quelque chose de plus jubilatoire dans Rodendach que dans Balzac, sans doute car la cruauté du sort réservé à son personnage s'y accompagne d'un certain amusement pour ses déconvenues. J'ai presque senti son plaisir d'écrire ! En bref, une pépite décadente.