Curieux roman, marqué par une atmosphère particulière, celle de la vie quotidienne d'une petite ville américaine, où les gens sont rationnels, bienveillants et où les conflits n'existent pas, mais où la télévision et la radio sont omniprésentes, notamment dans ce lieu où commencent un grand nombre de chapitre - le supermarché. Au travers de cette vie quotidienne passent des ondes de peur, d'angoisse. Peur de Babette face à la mort. Dogmatisme d'Heinrich, qui nie toute possibilité de libre arbitre au profit d'un déterminisme absolu de la chimie. Peur surtout qu'une catastrophe (onde, accident d'avion, catastrophe chimique ?) vienne perturber ce bonheur apathique. A cela s'ajoute une galerie de personnages caricaturaux et profondément drôles, dont la frénésie rappelle un peu ceux de Vente à la criée du lot 51.
Moins qu'un livre social qui marquerait une époque précise, c'est une satire bizarre où l'on sent que Dellilo a pris du plaisir. Les dialogues, vifs et nombreux alors que l'action ne semble pas avancer, font un peu penser à ceux de comic strips.
Synopsis
Partie I - Ondes et radiations.
J. A. K Gladney vit dans une banlieue paisible américaine de la ville de Blacksmith avec sa femme Babette, une grande perche sensible et une famille recomposée. outre les enfants de différents lits (Wilder, Denise, Steffie), leur fils commun, Heinrich, a un esprit hypercritique qui le rend réceptif aux théories du complot. C'est un professeur d'université au College on the Hill, qui a monté le département des études sur Hitler, qui est bedonnant et mène une vie fort ennuyeuse, au côté de Murray Jay Siskind, un ancien journaliste sportif, qui se reconvertit en étude de la culture pop et développe des théories fumeuses. Ce fou assez importun rêve de monter un cours sur Elvis Presley. Les problèmes du héros (qui parle à la première personne) sont ceux d'un universitaire : chasser les crédits, arriver à supporter les collègues bizarres, et surtout prendre des cours d'allemand en cachette pour dissimuler que Gladney, qui doit accueillir à la fin de l'année un colloque international sur Hitler, ne sait pas l'allemand. Un jour, Denise lui dit avoir surpris Babette en train de prendre un médicament qui n'est pas dans le commerce, le Dylar. Gladney n'en dit rien à sa femme et enquête, mais celle-ci a des trous de mémoire de plus en plus fréquents. Il découvre que sa femme est passée à la télévision locale à son insu, peut-être à l'instigation de Murray, qui semble avoir des vues sur elle. De manière générale, les médias parlent de cancer, de catastrophes et aussi de produits à acheter.
Deuxième partie - le nuage en suspens.
Un incident a eu lieu à la gare de triage, Heinrich est tout surexcité. Il semble que ce soit un dérivé du nyodène, qui donne les mains moites, des vomissements, des irritations...Des sirènes sonnent et un ordre d'évacuer la population est donné. Embouteillages. Steffe a une impression de déjà vu. La radio disait que cela pouvait être un symptôme du nyodène. Gladney sort faire le plein dans une station. Peu après, les gens sortent de leur voiture et des équipes de secours font leur office. Heinrich électrise les gens par des discours, il semble très informé. Un homme de l'EVASIMU, un service dédié en temps normal aux simulations de catastrophe, mais mobilisé pour cet événement exceptionnel, inspecte Gladney, lui dit qu'il a probablement été exposé pendant les deux minutes où il est sorti faire le plein. La science peut encore difficilement mesurer son état, mais il mourra sans doute plus tôt que ce qu'il aurait dû. De nombreuses rumeurs folles circulent sur la situation. Le nuage, cerné par des hélicoptères qui l'éclaire, est fascinant. Logés de force à Iron City, les habitants doivent dormir dans un hangar, avant de rentrer chez eux. Les médias ne disent rien de l'incident.
Partie III - Dylarama.
Gladney trouve le flacon de Dylar de sa femme, et le numéro du médecin, Hookstraaten, qui prétend ne pas connaître le médicament. De son côté, Heinrich, en rupture de ban avec l'école, traîne avec Mercator, un jeune qui s'entraîne pour battre un record en restant le plus longtemps possible dans une cage pleine de serpents venimeux. Gladney confie le Dylar à Winnie Richards, une neurochimiste qui semble fuir les gens. Il force Babette à avouer qu'elle a accepté de participer au test d'un produit chimique nouveau, pour le compte d'un certain Mr Gray, avec qui elle a même couché. Elle a fait ça car l'effet recherché du Dylar est de supprimer la peur de la mort, malgré ses effets secondaires, comme ne pas dissocier les noms des choses. Gladney est témoin d'un exercice où toute l'école doit faire mine d'être mort. L'asile d'aliéné est en feu, Heinrich est fasciné par le spectacle.
Un invité imprévu se présente chez eux. C'est Vernon Dickey, le père de Babette. Un gars qui a vécu des tas de vie, qui fume comme un pompier, presque une ruine. Il passe ici quelques jours, et avant de partir, il confie à Gladney un revolver (un Zumvalt automatique), car un homme doit en avoir un. Gladney est réticent mais l'idée naît en lui qu'il pourrait retrouver Mr. Gray et venger son honneur.Il doit passer un test idiot pour savoir comment progresse son infection au nyodène. Il a une discussion étrangement profonde sur la peur de la mort avec Murray, qui semble plus posé depuis qu'il fume la pipe. Gladney obtient par Winnie Richards l'adresse du motel où demeure Mr. Gray. L'homme a déclenché les tests en douce, sans l'accord de la société productrice, il est étroitement surveillé, comme un escroc. Gladney y va en voiture, même si son plan ne cesse de changer (ce qui est comique). L'homme s'appelle Mink, il se gave de Dylar et présente tous les symptômes d'effet secondaire. Gladney s'efforce de le tuer froidement, mais n'y parvient pas. Il amène Mink aux urgences. Des bonnes soeurs allemandes, dont on peut douter de la foi, les prennent en charge. Gladney revient à sa vie normale. Ils continuent à regarder les couchers de soleil, qui sont de plus en plus beaux depuis que le nuage est apparu. Ils semblent plus détachés.