Difficile de garder à l'esprit le fait que Victor Hugo n'avait que seize ans lorsqu'il rédigea "Bug-Jargal", un peu comme un défi, en seulement deux semaines. D'abord publié sous forme de feuilleton, les publications suivantes, corrigées et augmentées, prendront le format du roman.
Seize ans et déjà quel talent ! J'ai beaucoup lu Hugo mais il m'épate à chaque fois. Déjà, avec "Han d'Islande", autre oeuvre de jeunesse, il m'en avait mis plein la vue et l'imagination. Rebelote ici avec ce récit de la révolte des esclaves pendant la Révolution Française. Ne croyez pas pour autant que l'auteur livre un essai, non, il s'agit bien de romanesque et d'aventures, de fidélité en amour comme en amitié, tous ces thèmes qui, bien développés autour de personnages fouillés, garantissent presque à coup sûr le succès d'une narration.
La forme narrative elle-même est très originale avec un narrateur qui raconte son histoire à ses camarades officiers, l'idée première de Hugo ayant été que chacun au mess raconte à son tour un récit propre à en faire un roman ; projet auquel il renoncera pourtant assez vite et "Bug-Jargal" sera finalement le premier et le dernier maillon d'une série qui aurait pu être passionnante.
Pamphlétaire dans l'âme, Hugo livre ici une réflexion aiguisée et précoce sur la condition des Noirs, sur l'esclavage, sur la ségrégation raciale et sur la discrimination sociale. Un avant-goût pimenté de ce que seront entre autres "Claude Gueux", "Le dernier jour d'un condamné", "L'homme qui rit" et bien sûr, son chef-d'oeuvre, "Les Misérables".