Ni comédie de mœurs, ni drame bourgeois

Comme souvent chez le Prix Nobel de littérature 2005, la pièce distille un sentiment de malaise et d’étrangeté bien caractéristique de la dramaturgie que Pinter cherchait à développer.


Seulement trois personnages sur scène : Kate, son mari Deeley, et Anna, une vieille amie de Kate avec qui elle a habité quand elles étaient plus jeunes. Lorsque la pièce s’ouvre, Deeley et Kate commentent l’arrivée d’Anna alors que celle-ci est déjà présente dans la même pièce qu’eux, dans l’ombre. L’inconfort de la situation touche d’abord Deeley : il apprend l’existence d’Anna alors que celle-ci était la seule et unique amie de sa femme. Alors que Kate prend un bain, Deeley et Anna rivalisent pour obtenir l’attention de Kate.


L’argument de la pièce est simple. Montée pour la première fois en France en 1971 par Jorge Lavelli avec Françoise Fabian (Anna), Jean Rochefort (Deeley) et Delphine Seyrig (Kate), C’était hier est une guerre tue entre les trois personnages. Comme pour Le Gardien, Pinter reprend les artifices des « comédies de menace » : « l’intrusion du monde extérieur, malveillant et souvent mortifère, renverse ce qui passait pour raisonnablement harmonieux dans l’intérieur protégé et protecteur de la domesticité ou de la sphère intime » (préface très éclairante d’Elisabeth Angel-Perez). Ici, la menace provient du passé : un passé inconnu pour Deeley puisqu’il n’a jamais entendu parler d’Anna, et un passé enfoui pour Kate, puisqu’elle n’a jamais voulu parler de cette amie ou peut-être même de cette petite amie (après tout, Anna volait régulièrement des sous-vêtements à Kate).


Harold Pinter revisite la comédie de mœurs et critique en partie l’ordre et la tranquillité bourgeois. Accompagnée d’une préface, d’une chronologie, d’une notice, d’une historique et poétique de la mise en scène, de notes et d’un résumé, la nouvelle édition de C’était hier chez Folio théâtre comblera ceux qui apprécient les pièces de Pinter.

JulienCoquet
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le 17 juin 2021

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Julien Coquet

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