C'est de la littérature de gare, oui, oui, tout à fait... Mais qu'est-ce que c'est bon !
Une force dans l'écriture jamais atteinte, un festival d'émotions infantiles perdues dont on se souvient avec nostalgie, une guerre intestine souterraine, les faiblesses des hommes - et donc de l'auteur - passées au crible, voilà ce qui fait la force de ce roman.
Dur à lire, certainement, ennuyeux, jamais. Grâce à un procédé quasi cinématographique - bien mieux utilisé que son adaptation en téléfilm - de sauts dans le temps et de juxtaposition des évènements, Stephen King finit par fondre deux instants en un, comme une double spirale de terreur vue en perspective. Une technique redoutable, qui permet d'approfondir avec un voyeurisme sadique la psychologie de chaque personnage. Ainsi appréhende-t-on ses propres faiblesses, ainsi s'identifie-t-on tour à tour à l'enfant hypocondriaque, au binoclard surdoué, au bègue charismatique, au gros, au garçon manqué, au juif ou au noir du village, mais aussi au père vicelard, au parent alcoolique et violent, à la mère inexistante, au policier conciliant, au pharmacien condescendant ou à la brute de quartier. Toute une batterie de personnages, parfois beaux, parfois laids se succèdent et explorent les méandres les plus sombres de l'esprit humain, pour finir par révéler les beautés cachées.
Qui n'a jamais eu peur d'avoir peur ? C'est là la raison du masochisme délicieux que ressent le lecteur, et de la terreur que combattent les personnages, la terreur en eux. Une terreur qui ne cesse de prendre de l'ampleur tout au long des nombreuses pages du roman, pour atteindre un sanglant dénouement dans les profondeurs de la puanteur. Car l'auteur reste un écrivain d'angoisse, et il excelle dans ce livre sur la peur.
Un exutoire particulièrement efficace, mais aussi très corrosif. Ames sensibles, ne pas s'abstenir.
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