Le dispositif de Café sans filtre était prometteur en voulant observer les points de vue des clients et des membres du personnel d’un bar en croisant les histoires, en faisant revenir certains protagonistes par moments. C’est ce qui séduit le lecteur au départ. Ensuite, cet apparent récit choral se fourvoie car on se rend compte que les vrais personnages à suivre sont deux femmes ( Chloé et Jocelyne, respectivement cliente et ex tenancière de bar ) et deux hommes ( Fabrice et José, les gérants du Tom’s). Leurs récits où présent et passé se télescopent ne sont pas inintéressants puisqu’ils permettent de les saisir entre ce qu’ils ont été et leurs existences bouleversées par la Covid. Le découpage de l’action à travers des heures d’une journée ( 9h00, 10h30,15h00,18h00,21h00) ponctue la vie dans l’enceinte du Tom’s et peut avoir son importance dans le rapprochement de certains personnages ( comme celui de Chloé et Jocelyne). Au final, est ce que ces destins entremêlés vous touchent? Je dirais que l’histoire de Chloé est la plus intéressante puisque c’est une déracinée ( revenue de Finlande où elle avait posé ses valises et ce sont ses raisons bien humaines qui font comprendre pourquoi elle préfère observer les autres à distance qu’entrer dans la danse) par rapport aux trois autres liés professionnellement parlant ( plutôt le couple José/ Fabrice distinct du couple Fabrice/ Jocelyne). Vouloir absolument « réunir »indirectement les quatre à la fin du livre, c’est peut-être l’intention de trop, reléguant tout ce qui s’est déroulé auparavant et faisant de Café sans filtre un récit choral plutôt inabouti. On aurait voulu par exemple comment se solde l’engueulade entre Guillaume et sa mère, trop rapidement éludée. L’écriture instinctive de Jean-Philippe Blondel a donc ses limites ici car la cohérence de l’ensemble n’est pas renversante. Certains moments du voyage sont bons tandis que d’autres questionnent et je ne me sens pas totalement conquis par cette œuvre où les contrastes priment sur cet ultime liant qu’on attend en vain.