Incontournable d'une librairie, Mois d'Avril 2022
Lauréat du Prix des libraires du Québec, division 12-15 ans Québec.
Merci à la maison Courte Échelle pour l'envoi de ce service de presse à notre librairie.
Un peu à la manière du roman "Jimmy Diamond est une merde", je me suis retrouvé face à ce roman avec une mine un peu septique. Non pas que le roman soit mauvais, en atteste les 4 étoiles méritées, mais la couverture est quelque peu ordinaire. En même temps, ce roman se veut humoristique, alors j'imagine qu'une autruche entourée de clones de constellations du Cancer, ça rend le tout léger?Bref.
L'univers a explosé le 14 mai à 16 heures, 34 minutes et 42 secondes pour Sam Tyler-Dufort, 14 ans, amatrice de sciences spatiales, chimiques, mathématiques et autres trucs en "ique". C'est que pour le commun des mortels, ce fut une journée ordinaire. Pour l'adolescente, c'est le jour où sa mère a reçu un diagnostique de cancer. Alors que la bataille contre ce minuscule indésirable, Sam se met en tête de sauver sa mère, pas seulement la maladie en elle-même, mais aussi de ses décisions absolument pas logiques ou scientifiques, comme les cristaux de chakkra, le yoga, les smoothies verts et autres trucs naturopathes dont les effets sont pour le moins nébuleux [ et non-scientifiques]. Elle décide de mettre au point une campagne de sauvetage afin de financer un traitement expérimental en Suisse, au modeste coût de 400 000$. À moins de braquer une banque, se lancer dans le hacking ou devenir influenceuse, le montant n'est pas à la porté de l'adolescent lambda. Sam doit donc trouver le moyen de rassembler l'argent, mais pas que! Elle doit aussi compenser les absences de son père, gérer son petit frère et soutenir sa mère, quitte à y laisser ses notes et son sommeil. Ah! Et bien sur, il ne faut pas que Clémence apprenne que sa fille a lancer la campagne #SauverClem à son inssu. <a target='_blank' rel='noopener noreferrer' href="/auteur/Louis-de-Pas/181477" class="libelle">Pas De</a> quoi en faire un drame, non?
J'ai un faible pour le genre d'humour décapant qui navigue à la fois sur le sarcasme et les comparaisons loufoques, tout en s'inspirant allègrement dans divers source de culture générale. C'est imagé et ironique, très pince-sans-rire. Un style d'humour qu'il faut au moins savoir percevoir, sinon le premier degré risque d'être lourd.
Si je devais donner un thème central, en dehors de celui de la maladie, ce serait "le phénomène de l'autruche". Il est à la fois présent chez Sam que chez sa mère. Pour Sam, rationaliser à l'extrême, maximiser les chances de sa mère de se soigner et "compenser" les membres de sa famille sont autant de façon de mobiliser son esprit sur autre chose que le fait que ladite maman peut ne pas en guérir et éventuellement en mourir. Pour Clémence, le fait de s'enligner vers des thérapies abracadabrantes et peu scientifiques ( voir même à la limite de l'ésotérisme) peut paraître aussi comme une forme de déni. En même temps, pour combattre le désespoir ou au contraire entretenir l'espoir, il n'est pas rare que même les plus rationnelles et censés individus se tourne vers des solutions où les effets sont soit inconnus ou totalement inexistants. C'est intéressant de voir ce phénomène dans un roman, parce qu'il existe. Malheureusement, dans la vraie vie, nombreux sont les charlatans et les faux spécialistes qui abusent du désespoir des patients ayant des maladies graves ou incurables. C,est donc pertinent de pouvoir en voir des exemples dans la littérature.
Ce qui marque dans ce roman est toute l'énergie déployée par Sam, qui n'a toujours que 14 ans, pour éviter le pire. Elle prend un poids considérable sur ses épaules et réfléchit parfois en adulte. Elle se convainc qu'elle doit sauver du naufrage sa famille, mais au final, elle s'épuise et la solution qu'elle a trouvée pour sa mère ne portera pas fruits. Je vous laisse lire le pourquoi de la chose. À travers les propos comiques, le ton léger et les tribulations cocasses, ce qui transparait , c'est cette ado en détresse, qui gère comme elle peut un élément hors de son contrôle qui risque réellement de faire des dommages. C'est donc un roman étonnamment léger dans sa forme, mais pertinent dans son fond. S'ajoute des thèmes connexes comme l'intimidation scolaire pour son petit-frère ( le "farfadet"), un premier amour, une amitié mise à rude épreuve, une relation père-fille qui boite ( en atteste la sonnerie sur le thème de Darth Vador qu'à mise Sam pour les appels de son père), la solidarité sociale et le deuil.
Les e-mails de Sam, ses commentaires, ses comparaisons, ses relations de cause à effet hyperboliques, ses surnoms et ses descriptions sont vraiment drôles. J'ai beaucoup apprécié le personnage principal, qui est assez rare dans son genre. Cartésienne, amatrice de sciences naturelles de plusieurs domaines, ni "fifille" ni "tomboy", elle est ce genre de personnage plutôt non-genré qui cultive ses neurones et entretient un certain cynisme face à la superficialité et l'absurdité du genre humain. le genre qui a du mal avec les émotions et les codes sociaux, et qui compense donc avec une certaine rapidité à trouver des solutions ou expliquer l'inconnu. Mais bien sur, les émotions nous rattrape toujours et quand elles marinent un peu trop en nous, elles finissent par sortir en feu d'artifice. Elle pourra semblé déconnectée et froide, mais Sam est en fait en équilibre très précaire sur le fil de la santé mentale. Et comme elle ne demande pas d'aide, ça lui nuit.
Les personnages secondaires nous sont dépeints à travers Sam, qui est la narratrice, alors on comprend qu'il faut en prendre et en laisser. Heureusement, leurs actions et leurs paroles nous aident à mieux les cerner. On a un papa qui tente de gérer comme il peut, devenu le principal pourvoyeur et le compagnon d'hôpital de la maman malade, qui, pour sa part, tente de maintenir les liens familiaux et l'harmonie au mieux de ses faiblissantes capacités. Marcus, du haut de ses 7 ans, qui ne comprend pas très bien ce qui se passe autours de lui, qui a une nature très imaginative et énergique, en opposition avec celle de sa soeur, vit donc son rejet social en silence. Et toutes ces personnes qui passent, certaines parfaitement inutiles et intéressées, d'autres bien intentionnées et solidaires. Comme on dit: "C'est dans les pires moment qu'on reconnait ses amis".
C,est quand même un mandat pas facile que se donne l'autrice de traiter d'un sujet aussi lourd avec une énergie aussi lumineuse. Je trouve que le défi est relevé et c'est tant mieux, car on a moult romans pour ado avec des sujets lourds. On oublie que parfois, les ados veulent aussi se sortir de leurs propres enjeux et défis. Pour ce faire, on a besoin de ce genre de romans qui peuvent allier humour et pétillant à la pertinence.
Le final est très joli, ouvert sur l'avenir, porteur d'un beau symbole et marqué par de forts liens humains. le lien avec la couverture se trouve là.
Je note aussi que le langage est très international. <a target='_blank' rel='noopener noreferrer' href="/auteur/Louis-de-Pas/181477" class="libelle">Pas De</a> coupures à la "J'te" ou à la "J'suis", pas d'expressions typiquement québecoises, pas de sacres et pratiquement pas de québécismes. La plupart des références aussi sont internationales. C'est donc accessible au lectorat européens sans problèmes.
Un petit roman atypique en clair-obscure comme je les aime, que je vous invite à découvrir.
Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans+ en montant.