Accusé par Gorki de ne pouvoir être un vrai écrivain tant qu'il n'aura pas "vécu et vu du pays", Isaac Babel s'engage à l'été 1920 comme correspondant de guerre auprès des Cosaques rouges alors que la Russie soviétique est engagée dans la guerre contre la Pologne.
Son journal du front se lit comme un recueil de nouvelles qui décrivent des scènes du quotidien, la sauvagerie et la barbarie des Cosaques qui adulent leurs chevaux et persécutent l'autochtone, le sort des infirmières, celui des Juifs, celui des paysans qui fuient ou sont spoliés par l'armée. La vie au sein de l'armée Rouge est un rapport de force perpétuel qui dévoile une fois de plus ce visage atemporel et figé de la guerre, hideux depuis la nuit des temps, quelles que soient les causes, quelles que soient les armes.
La narration d'Isaac Babel est très poignante, on se sent aussi isolé et désemparé que l'auteur dans les étendues de Galicie et de Volhynie. Les récits sont durs, noirs et très humanisés, ce qui a pour effet de ne pas laisser le lecteur indifférent. Personnellement, "Cavalerie rouge" m'a donné des clés de compréhension d'une période et d'un conflit que je connais peu.
Isaac Babel sera secrètement fusillé en 1940. Ses oeuvres, d'abord utilisées comme propagande pour exalter l'héroïsme soviétique et largement diffusées, seront censurées et réhabilitées en 1954, après la mort de Staline.