Le regroupement familial, voilà l'ennemi.

Ha, l'immigration...

Sincèrement, avant de payer 3, 90 euros, regardez le titre de la collection : "Tracts Gallimard". Regardez aussi le pédigree de l'auteur : un ancien préfet, directeur de l'Office Français de l'Immigration.

La quatrième de couverture et l'introduction vous promettent de vous donner des faits qui vous permettront de vous faire votre propre opinion. Quelle mauvaise foi...

Si vous pensez trouver ici une courte synthèse qui démonte le fantasme du "grand remplacement" ou vous apprendra des choses, économisez 3, 90 euros, car ce n'est pas ce que vous trouverez ici.

Ce que vous trouverez ici, c'est une argumentation en défense de la politique migratoire actuelle. Avec des arguments puissants du type : L'Algérie ou la Libye traitent bien plus mal leurs migrants que nous, il y a pire ailleurs.

Les chiffres apportés sont choisis pour conforter la vision d'un haut fonctionnaire fier du travail accompli. J'ai griffonné bien des pages en notant des omissions tout à fait volontaires. Ceux qui critiquent une Europe-forteresse sont dépeints comme tenants d'un angélisme coupés des réalités, mais rien n'est dit de la politique des push-backs, du deal avec la Turquie face à la crise migratoire de 2015, et concernant l'accueil, pas une fois ne sont mentionnés les CRA (Centres de Rétention Administrative), ces endroits pires qu'une prison, qui échappent d'ailleurs au droit de contrôle des parlementaires sur les lieux de privation de liberté, et où les suicides sont monnaie courante, ces centres étant dépourvus des infrastructures d'une prison normale qui garantissent aux détenus un semblant d'humanité.

L'historique de l'immigration est fait à grands traits, sans nuance, sans rappeler par exemple, ce que le moindre historien sait, que la dernière vague migratoire a toujours été montrée du doigt comme non-assimilable et liée à la délinquance (on le disait des Italiens dans les années 1920, lire Les Ritals de Cavanna). Les problèmes de l'immigration sont liés à la politique de la ville, mais aussi très clairement au rapprochement familial, jugé responsable de tous les maux. L'auteur fait remarquer que le rapprochement familial décolle en même temps que le chômage de masse, convoquant à la rescousse des citations hostiles à l'immigration de figures de gauche comme Jaurès ou Marchais.

Concernant les difficultés d'assimilation, je souscris à une partie seulement du constat, à savoir qu'internet et les chaînes par satellite peuvent enfermer l'immigré de deuxième/troisième génération dans une bulle. Mais trop peu est dit des discriminations à l'embauche, etc... Je n'aime pas utiliser cette expression, mais on est dans le café du commerce plutôt que dans l'analyse sociologique poussée.

Bref, c'est une brochure qui ne va que dans un sens : défendre la politique d'immigration française, en concédant des améliorations mais en balayant les critiques en disant : "il y a pire ailleurs, on est trop gentils".

Cela ne me dérangerait pas autant si l'auteur n'avait pas la prétention de paraître objectif, alors que vraiment, les chiffres choisis et les analyses n'étaient guères approfondies et m'ont fait plusieurs fois bondir.

Economisez 3, 90 euros. J'espère que les autres titres de cette collection sont meilleurs.