J'avais l'espoir dans les premiers chapitres de retrouver un peu de la sauvagerie ricanante mais indulgente quand même de Karoo. On peut tracer quelques parallèles entre ce quinqua que sa réussite financière isole complètement et le trublion incapable de s’enivrer qui joue les pochetrons dans les soirées mondaines dudit roman : Robert a une magnifique villa sur les collines de Los Angeles, nage dans le pognon, a une superbe voiture et est dispensé de travailler. Une sorte d'archétype de la réussite à l'américaine, en somme. Évidemment, il est terriblement seul, divorcé, séparé de son fils par davantage que des kilomètres, et il n'a aucun ami proche, tout occupé qu'il était à faire fructifier son patrimoine. Autant dire qu'on attend impatiemment la chute, qui viendrait dérégler sa routine anesthésiante. Elle se présente sous la forme d'une douleur foudroyante qui l'envoie passer la nuit aux urgence et d'une dépression suspecte dans son jardin. Douleur et dépression, les métaphores ne sont pas vraiment subtiles. Mais la charge contre le matérialisme capitaliste semble prometteuse et ça n'est pas ennuyeux à lire, alors je me suis accrochée. Un peu pour rien, il faut l'avouer, parce que tout suit son cours inexorable et finalement bien peu original jusqu'à un dénouement profondément décevant. Ce qui se voulait une fable édifiante ressemble en fait à une petite chronique vidéo, une sorte de vlog, où chaque pastille dresserait le portrait d'un personnage attachant mais un peu en marge, voire un peu en marge mais attachant. Bagdad Café et un millier de films 'tranches de vie' ont labouré ce sillon il y a bien longtemps et cette resucée n'apporte vraiment rien de nouveau ni de particulièrement mémorable. On dirait une recette éculée, à la sauce 'stream of consciousness', débouchant sur une purée-saucisses bien plan plan. Bon, une lecture de vacances, quoi. C'est déjà ça, mais pour dynamiter le modèle de la réussite à la gomme vantée par l'Oncle Sam, il va falloir plus cinglant que ça...