Sublime !
Publié sur L'Homme Qui Lit : Il y a un phénomène étonnant qui me plait beaucoup dans mes lectures, dont je ne saurai pas dire s’il tient d’un hasard qui se répète, d’un choix inconscient, d’un sens...
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le 13 oct. 2020
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Retour de lecture sur “Ce qu’il faut de nuit” un premier roman de Laurent Petitmangin paru en 2020 et qui a obtenu plusieurs prix littéraires bien mérités. Le titre fait référence au premier vers d’un poème de Jules Supervielle “Vivre encore”, qui évoque la fragilité et la complexité des liens familiaux et de l’amour paternel. Le livre raconte l'histoire d’un père, sans nom, qui élève seul ses deux fils Fus et Gillou, suite au décès par maladie de sa femme. Bien qu’il soit très fragilisé par ce décès, il décide de mettre de côté sa propre vie pour se consacrer exclusivement à ses enfants pour leur assurer le meilleur avenir possible. Militant socialiste, il apprend avec stupeur que son fils aîné fréquente un groupe d’extrême-droite, cela marque le début d’une dérive et dislocation progressive de sa structure familiale. Et puis un jour un drame arrive, provoqué par un de ses enfants et tout explose définitivement. Tout ce que ce père a construit est remis en cause, il ne comprend plus rien, les relations avec les membres de sa famille et avec ses amis sont totalement chamboulées. Totalement dépassé, mais avec toujours la volonté de bien faire, on l’accompagne à travers cette épreuve et on partage tout son désarroi, avec ses doutes, ses colères, et aussi ses lâchetés. Un livre qui fait beaucoup penser au roman de Nicolas Mathieu “Leurs enfants après eux” puisque l’histoire se passe dans la même région sinistrée de Lorraine, dans le même milieu social ouvrier, avec surtout la même bienveillance et la même tendresse pour ses personnages. Deux livres tout aussi magnifiques l’un que l’autre. Petitmangin étant lui-même issu de ce milieu ouvrier, comme Nicolas Mathieu d’ailleurs, il nous raconte cette histoire avec énormément de réalisme. C’est un livre bouleversant, ce qui arrive à ce père est dramatique et c’est raconté sans aucun voyeurisme, avec énormément de pudeur. L'immersion est parfaite dans cette vie de famille et on suit avec beaucoup d'émotions ce père, dont l’auteur a fait son narrateur, qui est un personnage très attachant. Malgré la honte du choix politique de ses enfants, malgré le drame qu’ils ont provoqué, malgré l'effondrement de tout ce en quoi il a consacré sa vie, il essaye de rester combatif, de rester fidèle à ses valeurs. On sent tout l’amour de ce père pour ses enfants, il est impossible de ne pas être ému par sa détresse, ce désarroi qu’il exprime de manière très touchante. L’écriture du livre est percutante, très simple, avec un côté populaire qui colle parfaitement avec ce narrateur. Le texte est toujours très juste et précis avec beaucoup d’émotions. C’est très prenant, facile à lire, avec une pagination très courte et agréable, car très aérée. Je n’aime généralement pas les romans très courts, qui se lisent très rapidement, je trouve souvent qu'il manque quelque chose, que ce n'est pas assez abouti. Mais là ce n'est pas le cas, le travail de Petitmangin est génial, c’est assez incroyable ce que l’auteur arrive à faire passer comme émotions à travers ce texte, en si peu de pages. Un livre bouleversant du début à la fin, c’est juste parfait.
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"J’avais finalement compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n’étaient qu’accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de rien, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards."
Créée
le 17 sept. 2024
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