Incontournable Mai 2022


Un roman qui nous arrive d'Australie, une occasion de voir autre chose que les Feel-Good romantiques Jeunesse américains, en somme.


Maisie est une adolescente australienne qui vit dans l'ombre d'une soeur qui correspond aux canons esthétiques les plus enviés, ce qui ne l'aide pas à ne pas songer qu'elle, au contraire, n'y correspond guère. En effet, elle a un gabarit qui fait d'elle une cible de moqueries et parfois même de dégout. L'adolescente va passer un énième Noël à la plage avec sa famille - sauf son père, resté derrière pour le travail. Elle y retrouvera Sébastian, son meilleur ami, dont elle a le béguin depuis des années, sa soeur, avec qui elle est en froid, sa meilleure amie qui l'a accompagnée, maussade depuis qu'elle a été trompée par son copain, et Beamer, meilleur ami de Sébastian, qui semble adorer l'énerver. Entre une meilleure amie qui lui apporte bien des soucis, une mère plutôt indélicate et Beamer qui n'en rate pas une, Maisie tente au mieux de passer de bonnes vacances. Elle accepte même de participer à ce concours de Miss Summer quand elle fait la connaissance d'une apprentie-designer prête à lui faire sa robe. Mais surtout, c,est peut-être l'occasion de passer par-dessus certains tabous inconfortables et se donner une chance d'être bien avec elle-même, avec des gens qui sauront l'estimer à sa juste valeur.


On l'aura comprit rapidement, mais il y a l'enjeu du physique, plus spécifiquement le surpoids ou l'obésité juvénile. L'idée me rappelle le roman "Jemima Small", anglais celui-là, mais qui avait mal résonné dans mes oreilles parce que j'estimais que la réaction de l'école était inappropriée et stigmatisante, tout comme celle du père. Or, avec "Ce que j'aime chez toi", je retrouve un peu la même ligne, c'est-à-dire que les gens autours du personnages ont des comportements inadéquats et ne se profilent pas comme des facteurs de résilience, mais au contraire, de formidables renforçateurs de complexes physiques. Je commence à croire qu'au-delà des préjugés sociaux et des messages toxiques du marketing esthétique, cinématographique et publicitaire, le problème est souvent plus près qu'on le croit, en fait. Il s'incorpore dans la cellule familiale même!


À mon sens, il y a trois figures toxiques dans l'histoire: la mère, la soeur et la meilleure amie, et ce pour différentes raisons. Si ce n'est pas avec des piques verbales, c'est par une certaine négligence relationnelle. Ce que je veux dire par là est le fait que la famille a tout miser sur la danse de la plus vieille, au détriment de la cadette, Maisie. Personne pour s'étonner qu'elle abandonne la danse après le rejet qu'elle a vécu de sa propre soeur, personne pour tâcher de comprendre son mal être. En fait, on a ici un cas de figure d'enfant "préféré" avec la grande soeur, mais ce sujet n'a pas été pleinement exploité. Franchement, c'est pas joyeux. Il faut dire que la réaction de la mère sur son aînée, quand cette dernière a choisi de changer de direction quand à ses projets futurs, n'était vraiment pas mieux. Mon avis. J'estime que la mère est exigeante et portée sur des valeurs relativement superficielles. Rien pour aider ses deux filles à s'épanouir. J'aurai peut-être apprécié un retours sur sa perception à elle, mais on en sait peu au final.


Sa meilleure amie Anna avait quelque chose de dérangeant. Je dois dire que sa décision de renouer avec un gars toxique lui aussi ( il l'a trompée) ne m'a pas fait l'aimer davantage, au contraire. Surtout que cette décision aura fait du mal à un bon gars qui ne méritait pas si peu de considérations. Il y avait aussi quelque chose de pas net avec cette façon de s'accaparer le meilleur ami de Maisie sur lequel elle a le béguin. Ceci-dit, il y a une prise de conscience de la part de Maisie vers la fin, quand elle réalise que son amitié avec elle ne lui apporte peut-être plus de positif.


Enfin, sa soeur a été odieuse avec elle par rapport à son physique, une ironie quand on pense à la taille de sa première copine, mais à sa décharge, je dirais qu'au moins elle a évolué dans sa façon de percevoir les autres. Et elle jonglait aussi avec un "stigmat", avec son homosexualité. On sent une plus grande volonté de modifier ses préjugés et renouer des bases saines dans sa relation avec sa petit soeur. Pour ça , franchement, elle se démarque des deux autres.


Finalement, même son père aura eu des mots peu dignes d'un père pour sa fille ( Voir citation p.168-169 pour les propos de ces personnages).


Avec la couche d'humour, on peut être tenté de trouver le tout un peu cliché et minimaliste, mais j'ai bien aimé certains aspects de ce roman, surtout sur le sujet de la grossophobie ou des préjugés sur l'embonpoint. Déjà, Maisie ne cherche pas à maigrir ou se conformer aux standards. Si elle a du mal à s'aimer pleinement en raison du regard et des préjugés des autres ( le passage sur les mots qu'on utilise pour parler d'elle était poignant!), elle fini par se trouver des petits moyens pour tendre vers une meilleure estime de soi. C'est un personnage sympathique bien des égards, peut-être très réactive sur certaines choses, mais rappelons-nous que la critique passe mal quad on la subit continuellement. Si à nos yeux de lecteur, l'intérêt de Beamer pour elle crève la page, encore une fois, j'imagine sans trop de mal que quand on se sent dépréciée, on peut devenir vraiment aveugle. Enfin, si elle a une certaine immaturité pour une fille de 16 ans, je vois surtout que ses aptitudes sociales laissent à désirer, une fois encore tributaire d'un estime bas et d'un trait timide.


Son idée de "liste de ce que j'aime chez moi" était une bonne idée. Mieux, elle s'allongeait. Parfois, c'est de cesser de fixer l'ensemble qui est aidant, parce qu'on ne peut pas tout rejeter en bloc quand on fait dans le détail. Mieux encore, cette liste au début axée sur le physique a prit une dimension plus abstraite et intrapersonnelle quand elle a ajouté "Mon soeur", "Mon courage". J'ajoute que le fléau des complexes physiques n'est tellement pas qu'un enjeu de physique, c,est un enjeu d'estime de soi, de reconnaissance de sa valeur et de sa capacité à surmonter les obstacles. En cela, les filles "rondelettes" ne sont hélas pas les seules à souffrir du regard des autres et à avoir des complexes.


Point positif également pour ce roman qui propose une relation saine! ( Surtout vu la quantité de relations toxiques glorifiées en littérature adulte et jeunesse). Beamer était peut-être un peu taquin, mais il n'était pas irrespectueux. Bon, évidemment il fallait souligner que ce n'était pas qu'un "simple gars", non il est beau et il a des muscles. Ça on aurait pu s'en passer, honnêtement, ça aurait fait un réel changement. Mais au moins, c'est un personnage masculin qui a une belle personnalité. Aussi, bravo à lui, c'est le premier personnage masculin adolescent dans une comédie romantique littéraire que je croise qui choisi une fille de fort taille! Et sans en faire jamais mention, d'ailleurs.


L'histoire de Maisie me rappelle celle de "Dumbling", qui est un roman américain doublé d'un film, dans lesquels une ado rondelette décidait de participer à un concours de beauté, maillot de bain inclut. On a articuler le roman sur le duo mère-fille, ce que j'avais un peu espéré trouvé ici vu l'attitude de la mère.Bref. Dans les deux cas, elles n'ont pas gagné, ce qui traduit sans doute avec tristesse que si on peut imaginer des filles de fortes tailles participer aux concours de beauté, il ne faudrait pas pousser le charme au-delà en les faisant gagner. Bah non. Triste. Reste que le message est bien et traduit une évolution des moeurs, timide, mais bien présente.


Le format choisi est celui du carnet ou journal de bord. On peut donc apprécier son humour et ses réflexions, mais comme l'histoire est racontée en fonction de l'écriture dudit journal, on ne suit pas exactement en continu. Et heureusement, elle ne jargotte pas comme dans certains romans ado. le format "journal" donne un ton plus léger aussi.


Fait amusant, puisque nous sommes en Australie, Noël coïncide avec les vacances de Noël, ce qui pour les Nordiques cré un sacré contraste. Je passais mon temps à oublier le fait que l'histoire se déroule en décembre ( même avec les dates!).


Il y a plusieurs références cinématographiques, celle des films d'action d'Arnold Schwarzenegger et Dwayne Johnson ( Alias "The Rock"), deux acteurs américains, puisque Maisie et Beamer compétitionnaient à savoir lequel est le meilleur, ainsi que le film "Dirty Dancing".


En psychologie, quand un humain fait face à une menace, il existe deux réactions générales, soit le fuite ou la lutte. qu'on appelle en anglais "The fight or flight response". C'est une réponse automatique, mais on peut apprendre à les modifier. Maisie suremplois la fuite, ce qui lui cause des problèmes encore plus importants que le problème initial. Son père a le même enjeu. Si la fuite peut tout-à-fait être adapté à certaine circonstances, n'utiliser qu'elle peut vraiment devenir nuisible pour la personne, qui n'affronte donc jamais réellement les problèmes et donc, ne les résout pas. Faire front à un problème, ça s'apprend et même, c'est souvent générateur de positif parce que ça vient avec une forme d'accomplissement, de progression. Bien sur, on peut aussi fuir temporairement pour affronter ensuite ( un repli stratégique!), auquel cas il faut un plan. Bref, cette notion est présente dans l'histoire et un point positif que j'observe est le fait que Maisie communique beaucoup plus vers la fin, avec les acteurs sociaux concernés: sa soeur, Beamer, son père et un peu avec sa mère.C,est d'autant plus notable que Maisie comprend aussi que certaines personne vont la faire niveler vers le haut, alors qu'il faut peut-être accorder moins de crédit à l'opinion des gens qui nous font niveler vers le bas. Un beau début de prise de conscience, en somme.


Enfin, notre "discours intérieur" peut être tout à la fois notre plus sévère critique, mais aussi notre plus fervent supportaire. Ce monologue intérieur, cette partie de nous qui se regarde, peut être changée. Elle peut évoluer. Il importe donc de savoir calibrer le versant "critique" du versant "Supportaire". Donc, apprendre à s'aimer, à apprécier son corps, à se donner une chance et se démontrer de la bienveillance passe souvent pas soi. Maisie semble l'avoir comprit à la fin, avec cette liste qui s'allonge de point qu'elle aime, mais aussi dans sa capacité à faire des choix qui lui seront bénéfiques.


Bref, un roman dont j'ai envie de parler en librairie, parce qu'on en a encore trop peu de romans avec des héroïnes à fort tailles avec une histoire porteuse d'espoir, une relation amoureuse saine et même une certaine dénonciation des relations sociales toxiques. Et même si la fin fait très "comédie romantique" et que le tout reste prévisible, je pense que les éléments abordés et les enjeux soulevés méritent l'attention des ados. Et de manière générale, je trouve le style de l'autrice moins sensationnaliste que celui de plusieurs autrices américaines. Et il y a des passages qui font sourire, comme il y en a qui indigne, ça n'a donc rien de linéaire d'un point de vue émotif. Bref, dans son genre, c'est un bon roman.


Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans+.


Pour les profs et bibliothécaires: il n'y a pas de scènes de sexe de violence outrancière. Il y a présence de termes injurieux à l'endroit des personnes à forte taille, mais dans un contexte de dénonciation.

Shaynning

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