Dans tous les sens
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le 1 oct. 2017
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De la littérature fantastique, sans aucun doute, au moins pour cette raison : « Bien sûr, tous les détails ne me sont pas connus et j’en imagine, mais quelle histoire aussi vraie que la mienne ne peut se permettre, pour les besoins de l’exposé, de confier à l’hypothèse le soin de compléter le récit ? » (p. 23 de la réédition à l’Arbre vengeur). Du reste, thèmes du double, du miroir, du rêve ; quelques récits enchâssés, un ou deux journaux fictifs et des narrateurs très rarement fiables : cette littérature fantastique des années 1970 doit beaucoup aux textes fondateurs du fantastique, dans lesquels un député rapporte à un médecin ce qu’un juge lui a raconté – j’exagère à peine…
D’une façon générale, les nombreuses épigraphes le prouvent, chaque récit ou presque sonne comme un hommage, une référence, une allusion : « Celui qui pourrissait » et « Procédure contradictoire » sont des variations autour de Jekyll et Hyde, « Le Peuple nu » exploite la figure du savant fou à la façon d’un Maurice Renard ou d’un Jean Ray, « Divin marquis ! » se réfère explicitement à Sade, avec peut-être des relents du « Plus Bel Amour de don Juan » de Barbey d’Aurevilly, « le Château des réminiscences » doit beaucoup à « la Légende de saint Julien l’Hospitalier », « Entre Charybde et Scylla » croise Topor et Sternberg, « la Vérité sur la mort d’Aaron Goldstein » ou « Aujourd’hui l’abîme » pourraient être du Maupassant passé à la moulinette des années 1970, « La Mort du juste » mêle un peu de tout cela, et l’étrange quasi-lipogramme d’« Histoire d’A » rend justice au style... disons reconnaissable des couvertures de la collection « Marabout fantastique » dans laquelle a paru d’abord Celui qui pourrissait et autres nouvelles.
Manifestement, l’idéal de Jean-Pierre Bours, par ailleurs auteur du Régime fiscal des plans de pension complémentaire pour indépendants mais ça n’a peut-être rien à voir, est un idéal de maîtrise. D’où notamment la récurrence de ces chutes qui font typiquement suite à une montée progressive de l’angoisse (« Procédure contradictoire », « Aujourd’hui l’abîme »), voire de l’horreur (« le Peuple nu »). Le procédé a beau ne pas être neuf, il demeure efficace, d’autant que généralement l’écriture est ciselée, d’une netteté impeccable, recourant à toutes les possibilités offertes par les rythme et les sons. Le charme du recueil tient en partie à ce style parfois flaubertien – et c’est moins convaincant lorsque, par exemple, « le Château des réminiscences » adopte petit à petit, à grand renfort de poulaines, de surcots et de suppression des déterminants, une façon d’écrire qui est à la littérature médiévale ce que le Puy-du-Fou est à un authentique bourg du XIVe siècle.
À l’origine, je le disais, Celui qui pourrissait et autres nouvelles a été publié dans cette collection « Marabout fantastique » dont tous les bouquinistes connaissent les si particulières couvertures – en l’occurrence, je ne saurais dire laquelle est la plus laide, entre l’édition originale et la réédition à l’Arbre vengeur. On y trouvait aussi bien des récits de série B, voire Z, que classiques du fantastique et des choses qui ont su résister au temps. Il est bon d’en redécouvrir le meilleur.
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le 3 janv. 2018
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