Force est de constater que je suis une des rares lectrices à avoir préféré cette version réaliste de l'histoire de Cendrillon. D'ailleurs, c'est l'histoire de la BELLE-MÈRE, pas celle de Cendrillon, alors ne soyez pas surpris de commencer cette histoire avec Agnès!
Au contraire de la plupart des autres, le récit de Cendrillon version Disney est celui que j'ai le moins apprécié, puisque que tout ce que j'en ai retenu est que la plus belle fille fini toujours par gagner, même si elle est un peu stupide. C'est d'ailleurs un point soulevée dans ce récit: la beauté comme facteur de réussite sociale.
Ce roman mérite qu'on s'y attarde, car il remet en question bien des fondements du conte de Grimm. Ici, pas de marraine fée, de princesse un peu débile ou de belle-mère méchante juste pour le simple fait d'être méchante.
L'histoire prend place dans un moyen-âge bien senti et bien contextualisé. Une Église omniprésente, des gens analphabètes, des classes sociales très peu étanches, la suprématie mâle, la vie de fermier, les vêtements d'époque, la mortalité infantile et les fausses couches courantes...Vraiment, l'autrice a fait du très bon travail sur l'époque.
Observez les personnages avec attention, parce que vous constaterez que Ella (Cendrillon) est loin d'être standard. Au vue de son comportement et de sa manière de percevoir le monde, je pense qu'elle vit avec ce qu'on appelle le syndrome Asperger, un haut degré d'autisme. Ce qui explique comment Agnès peut avoir de la difficulté à vivre avec Ella. Imaginez une femme qui tente d'élever une enfant autiste au Moyen-Âge, époque où l'on brûlait les épileptiques, démonisait les schizophrènes et déshumanisait la déficience intellectuelle. C'était une dure époque pour la neurodiversité.
Pour ceux et celles qui se demandent ce qui m'a mit la puce à l'oreille concernant cette théorie, voici mes explications: Ella fait de l'enlignement, qui consiste à classer, trier par ordre et couleurs de boutons et autres objets, et ce, durant des heures.Ella ne comprend pas les complexités de langages tels que les sarcasmes, l'ironie, les sous-entendus et les jeux de mots. Ella a des tendances solitaires très marquées. Ella est intelligente comme le sont la majorité des gens vivant avec le syndrome Asperger et comme la plupart, possède des intérêts fixes et une certaine douance dans un domaine ( Mode, dans ce cas-ci) Ella fait des "crises", qui ponctuent sa vie lorsqu'elle ne sait plus gérer ses émotions ( désorganisation) et peut réagir avec violence. Ella est peu portée sur les rapports sociaux autre que ses figures d'attachement, tels les membres de sa famille. Ella est lunatique, elle peut passer des heures à fixer le plafond et manque de réactivité faciale, manque cruellement de tact, car elle n'a pas de filtre, pour ne nommer que ces constats.
Agnès a dû composer avec plusieurs personnages plus ou moins évident, notamment un mari alcoolique, un premier mari coureur de jupons, une maîtresse ayant des problèmes de santé mentale majeurs, un chambellan corrompu, une paysanne narcissique et une lingère tyrannique. On peut dire qu'elle ne l'a pas eu simple.
Les "vilaines belles-soeurs" ne sont pas méchantes, mais l'une est de peau plus foncée et l'autre est défigurée par les cicatrices de la petite vérole. Deux critères esthétiques grandement fuis chez la gente masculine. Comme le disait Agnès: "On ne pardonne pas à une femme d'être laide."
Vous serez étonnés de voir qu'Agnès est plus près du conte de Cendrillon qu'Ella, quand on y pense. Après tout, ici, Cendrillon est une noble de naissance qui a épousé un prince. Inusité, mais pas contre nature. Agnès est passée de domestique à maîtresse de manoir, ce qui constitue ni plus ni moins un changement de classe sociale, une aberration à l'époque, un acte contre-nature.
Personnellement, j'ai beaucoup aimé cette version, car on constate que tout ce qui constitue la base de l'histoire de Cendrillon est purement basé sur des impressions, sur un seul point de vue, celui d'Ella, puis mélangé aux rumeurs de la cour. Le récit que nous fait Agnès est beaucoup plus réaliste et beaucoup plus HUMAIN. On ne peut nier qu'elle n'a pas toujours eu raison, mais au fond, et c'est un peu le fond de l'histoire, tout le monde a tort à un moment ou à un autre. Pour une fille sortie de la plèbe, je dois dire qu'Agnès a fait preuve de beaucoup de force, de résilience et d'intelligence.
Beau travail de la part de l'autrice, qui a su faire un roman intelligent avec tous les éléments du conte original, sans tomber dans le cliché , la romance débilitante ou l'imbuvable eau-de-rose. Merci aussi à elle pour les personnages avec des troubles de santé mentale, c'est très rares que j'en vois, surtout chez les femmes de la haute société. Merci de combattre les tabous de société et de mettre de l'avant les femmes.
Assurément à lire.

Créée

le 29 juin 2020

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Shaynning

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