Vive la vie
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le 5 août 2023
Lu La Plage de Falesà éditée récemment chez Ginkgo, traduction de Théo Varlet. Nouvelle exotique de Stevenson, écrite à la 1ère personne. Le narrateur, John Wiltshire, est un négociant blasé venu sur l'île de Falesà pour faire fortune dans le commerce de coprah.
Ce narrateur n'a rien d'un héros : il est mu par l'ambition, la concupiscence, l'avarice, la haine, la colère, la vengeance, l'orgueil... bien plus que par l'amour qu'il peut quelquefois éprouver pour sa femme mais auquel il ne se raccroche jamais dans l'existence.
Le motif de l'île est un topos fantasmatique, lieu virginal qui autorise le rêve : celui de rebâtir sa vie écroulée ailleurs. Ici, l'humanité de Stevenson ne prétend pas à beaucoup et semble ne plus croire à l'Eden depuis longtemps : il s'agit bien plutôt de faire de l'argent. Et à ce jeu, c'est le plus malin qui l'emporte. C'est ainsi que Wiltshire sera aux prises avec d'autres personnages sans foi ni loi, dont le seul but est d'obtenir le monopole du coprah.
En somme, La Plage de Falesà est un tableau bien pessimiste, plein d'indigènes aux superstitions dérisoires, aubaine de tous les cupides manipulateurs et autres faussaires venus d'Europe. Vraisemblablement, cette histoire a la prétention de refléter une réalité systématique profondément ancrée dans l'âge d'or colonial britannique.
La nouvelle est réussie à bien des égards. Linéaire, elle tient un rythme haletant, oscillant entre le policier, l'aventure et le fantastique désamorcé, qui nous plonge sans peine dans une fable dépaysante. Le narrateur désabusé déploie un humour sarcastique qui ajoute encore de la dérision à cet ailleurs colonisé par l'ici, par l'hélas et le tristement réel.
Heureusement, Stevenson échappe à la caricature simpliste qui pourrait être l'écueil de son exercice. Ni autonomisme primaire, ni relativisme idiot ici, mais peut-être la possibilité d'une certaine bienveillance enfouie dans les plus simples espérances (quand elles ne sont pas corrompues) ; la possibilité d'un rêve qui ne changerait pas la triste face du monde ; la possibilité d'une île.
Créée
le 23 août 2022
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