On doit tous admettre que Connelly n'est plus que l'ombre de lui-même depuis bien des années, et qu'on ferait sans doute mieux de "laisser tomber et passer à autre chose". On reste client de la maison parce qu'il y a encore dans ces polars - désormais un peu "piétonniers" - une part de réalisme saisissant dans la description d'un monde judicio-policier pris dans des procédures et des jeux politiques de plus en plus inextricables : il est clair qu'à la différence de nombre de ses collègues, Connelly sait de quoi il parle, et cela apporte à ses livres une force des plus convaincantes. Le problème est qu'écrire est devenu chez lui une sorte de routine, et on sent que la machine à fiction tourne de plus en plus à vide : ici, il y a une idée curieuse, originale peut-être, celle d'inclure dans "The Drop" (traduction française pas encore parue, à ma connaissance, et le titre original est un jeu de mots qui fait sens quand on lit le livre) deux enquêtes policières menées en parallèle, que rien ne relie entre elles... et qui ne se rencontreront jamais, contrairement à ce que le lecteur habitué aux fictions actuelles pourra évidemment attendre. "The Drop" consiste donc en deux histoires de Harry Bosch réunies en un seul roman, ce qui, du point de vue réalisme, n'est sans doute pas stupide (on imagine bien que la police doit conduire plusieurs affaires en même temps, contrairement à ce que Hollywood nous fait normalement croire...), mais que Connelly n'exploite absolument pas : pas de résonance particulière entre les deux courants, pas d'impact particulier sur Bosch qui passe d'ailleurs ici une phase de sa vie pas très passionnante et que Connelly a du mal à animer, bref, on a le sentiment que rien ne sert vraiment à rien dans "The Drop". Comme en plus, l'une des enquêtes paraît d'une facilité déconcertante (le serial killer est découvert par hasard), tandis que l'autre n'est pas réellement conclue, on ne peut éviter le sentiment que Connelly n'est pas très concerné désormais par la qualité de ses livres ! Ce que l'on peut - quand même - tirer d'intéressant de "The Drop", c'est - une fois encore - la description de la contamination par la politique (petit "p") des sociétés humaines, et surtout une sorte "dégénérescence" de Bosch, l'âge venant, puisqu'il ne résout réellement rien ici, tout à la fois manipulé qu'il est par les autres et les événements : l'idée - amusante - de passer le flambeau à sa fille alors que la retraite se dessine paraît alors bien logique ! [Critique écrite en 2013]