Il en va des chagrins d’amours comme des chagrins d’écoles… tous diffèrent, tantôt signe d’amertume, de profonde tristesse ou de regrets, et triturant l’âme qui, de fait, se trouve appesantie partiellement pour la vie entière. C’est en substance ce que pense Daniel Pennac avec ce roman, ou plutôt cet ensemble de réflexions autour de l’échec scolaire, voire de l’enseignement de manière plus générale. Et ces questionnements, cette analyse, relèvent d’un esprit altruiste, profondément attaché à sa mission de formateur. Pennac n’accable pas, ni les « cancres », ni les profs. Il cherche à travers son expérience comment apporter à ces jeunes un peu borderline, l’envie, le goût de réussir une scolarité bien compromise, sans pour autant se prendre pour le Don quichotte de l’éducation nationale. Pennac est lucide, il n’a pas de remède miracle. L’échec n’est pas une fatalité, mais une réalité à laquelle, malgré tous les efforts, certains sont destinés. Pennac doute également, faisant revenir en contradicteur le cancre qu’il était jadis et qui vient, ou tente, de démonter un à un ses arguments. Le style enjoué se pare d’un humour rafraichissant, venant alléger un propos lourd. Cette sympathie pour l’auteur, nous pousse également à réfléchir avec lui, stopper un temps la lecture pour développer et imaginer telle ou telle situation, ou solution. Les portraits de ses élèves, de ses collègues ou même des professeurs qu’il a connu plus jeunes sont frappés d’empathie, de délicatesse et se montrent très attachants. Et même si le roman date un peu, la forme sociétale ayant quelque peu évolué, le fond lui ne varie hélas pas. Pennac fut sans doute un excellent professeur, pédagogue, respectueux, impliqué, il l’est tout autant comme auteur. Son « Chagrin d’amour » se lit comme un roman, nous fait nous interroger comme un essai et nous interpelle souvent comme un témoignage.