Changer : méthode est le cinquième roman autobiographique d'Edouard Louis. Comme ceux qui l'ont précédé, sa particularité est d'analyser son parcours individuel d'un point de vue sociologique, donc systémique.
Dans En finir avec Eddy Bellegueule il analysait son enfance et la manière dont il a réussi à s'évader de son milieu, à échapper à ce à quoi il était déterminé par la société.
Dans Histoire de la violence, il décrivait le viol qu'on lui a infligé, et toujours dans une démarche sociologique, il essayait de comprendre ce qui s'était passé dans la tête de son agresseur et dans la sienne, et racontait ce qui lui a permis de surmonter ce traumatisme.
Dans Qui a tué mon père, il démontrait, par le récit des événements qui ont marqué la vie de son père, comment les décisions qui sont prises par les gouvernements ont un impact direct et dramatique sur les classes sociales populaires, alors qu'elles ne mettent jamais la santé des classes moyennes et supérieures en danger.
Dans Combats et métamorphose d'une femme, il était encore question du déterminisme social, des pièges tendus par le milieu des classes populaires pour les enfermer dans leur condition, leurs impasses, et la vitalité qu'il faut pour réussir à y échapper, en l'occurrence très tardivement, pour sa mère.
Changer : méthode recentre la narration sur l'auteur. Il s'agit de son parcours global, de sa naissance jusqu'à sa position d'écrivain de renommée internationale. C'est l'histoire, bien sûr, de son ascension sociale.
Elle n'est pas du tout le fruit du hasard. Ce n'est pas parce qu'il avait du talent, qu'il s'est hissé au-dessus de sa condition d'origine. Non. C'est parce qu'il avait la nécessité vitale d'en sortir. Pour se hisser au-dessus de la mêlée, il devait devenir talentueux.
D'abord, fuir. Il fallait qu'il quitte son village, sa famille, pour ne pas mourir. Parce qu'ils rejetaient ce qu'il était, parce qu'ils en avaient honte. Parce qu'il était harcelé depuis toujours par les autres enfants du village. Parce qu'il ne pouvait plus vivre avec l'Insulte, avec la Honte.
Ensuite, il a fallu qu'il se venge, symboliquement, de son enfance, vis à vis de son village, vis à vis de sa famille.
Puis il a fallu qu'il lave l'humiliation de ses origines, une fois qu'il a eu accès à la bonne société d'Amiens. Il fallait qu'il fasse mieux que les autres à chaque fois qu'il montait d'un cran dans la société.
A chaque étape, il a fallu qu'il se métamorphose, qu'il se forge une nouvelle identité : acquérir une culture qui n'était pas la sienne, faute d'avoir une famille pour la lui transmettre. Il a fallu réapprendre à parler, à rire, à moduler le volume de sa voix. Changer son nom, changer son visage, changer ses dents.
Ce que la bourgeoisie méprise comme la rage de l'arriviste, Edouard Louis le décrit comme un besoin vital de réparation. Et à travers ses livres, il veut aider les autres à obtenir, eux aussi, réparation. En nommant, en pensant l'injustice.