Chien du heaume par matteo
Chien du Heaume est une jeune femme au physique ingrat, mercenaire impitoyable et poursuivant une quête identitaire. Si elle porte ce pseudonyme c'est parce qu'elle ne connait ni son nom, ni ses origines. Ne sachant d'où elle vient, elle peine à imposer sa valeur autrement que par la guerre et les contrats souvent cruels qu'elle exécute souvent magistralement. Mais cela ne lui convient pas. Elle aimerait trouver le nom que sa mère lui a donné, et ne pas avoir comme unique élément identitaire cette hache ornée de serpents qu'elle utilise inlassablement...
J'ai attrapé Chien du Heaume très tard, bien après sa parution initiale et le torrent d'éloges que ce court roman a engendré. J'avoue y aller un peu frileusement lorsque les critiques sont unanimes et plus encore lorsqu'une oeuvre rafle tous les prix littéraires. Car Chien du Heaume, le premier roman de Justine Niogret, a remporté pas moins de trois prix en 2010: le prix Oriande, le Grand Prix de l'Imaginaire - Étonnants Voyageurs et le prix Imaginales. Une première oeuvre qui remporte tout ? De quoi faire arquer un sourcil interrogateur. Il ne s'agit pas d'une attitude rebelle à tendance élitiste, non. Mais plutôt d'une méfiance apprise au fil des ans concernant ces prix dans lesquels je ne me retrouve que bien peu souvent. Ce n'est qu'en 2013 que je faisais l'acquisition de ce roman, et en 2014 que je devais le lire... D'autant plus dubitatif que j'avais au préalable lu Gueule de Truie par cette même auteure, et connu une déception.
Ne faisons pas durer le suspense, ce roman est une véritable merveille ! Il dépeint un moyen-âge âpre et violent, sans espoir de prime abord, mais témoin d'une page historique. Si l'héroïne est bien animée par une recherche identitaire, du moins au début du roman, elle rencontre assez vite des personnages charismatiques avec lesquels elle se lie, et passe un hiver immobile au sein d'un château taillé dans la montagne. Une ambiance plutôt intimiste donc, et froide.
Mais au fait ? Ce roman est-il bien à classer au rayon "Fantasy" ? Comme cela a déjà été dit (et redit): aucun poncif du genre n'est présent: pas de magie, pas de créature mythologique, pas de manichéisme incarné par je ne sais quelle nation des ténèbres... Rien de tout cela. Avec la plus grande mauvaise foi on pourrait noter qu'il s'agit d'une quête menée par une orpheline, comme dans... Mais de quelle quête s'agit-il au juste ? Une quête finalement introspective et loin du spectacle grandiloquent d'une quête, solitaire ou non, ayant pour but de sauver le monde. Donc Fantasy ? Tout est question de définition bien sûr. Pour ma part je le rangerai plus facilement dans la catégorie "médiéval historique", ce qui ne signifie pas de jugement de valeur.
Un livre humain, à l'échelle d'un château pris dans les glaces au cours d'un hiver. La trame scénaristique est certes un peu mince, mais que faire lorsque l'on est prisonnier de la neige ? Au contraire de certains, je trouve que le passage de cet hiver est parfaitement rendu et sait trouver le juste milieu entre étaler infiniment la confiture et passer trop vite sur quelque chose qui intriguerait le lecteur. Les personnages sont particulièrement attachants et sincères et le roman est écrit dans une langue "médiévalisante" qui réussit à donner une cohérence impressionnante au tout. Sur l'aspect de l'écriture à proprement parler, c'est une réussite magistrale pour l'auteure.
Vivement recommandé donc, pour tous ceux qui veulent un roman parfaitement écrit, court, héroïque, peut-être, mais dans des limites tout à fait acceptables, sombre et présentant un panel de personnages parfois complexes et assurément attachants.